dimanche 31 octobre 2010

Les dingues de l'écriture : NaNoWriMo 2010

Depuis novembre 2000, un évènement épique rassemble les légions d’écrivains du monde entier. Tous à leur clavier, les voilà cette année à nouveau prêts pour endurer un mois complet consacré à l’écriture : le NaNoWriMo. Le National Novel Writing Month, c’est-à-dire le mois national d’écriture de roman, ou plus littérairement : le Mois Martial de la Guerre du Roman.

En 2009, ils étaient 165 000 sur le champ de bataille, réduits à 30 000 bienheureux survivants. Combien en restera-t-il donc au terme de ce mois ?Pour les NaNoteurs, une seule chose importe : parvenir par tous les moyens à écrire 50 000 mots en trente jours, soit près de six pages à la journée. Le défi est fou, le défi est beau. Il fallait des grenouilles aux nerfs d’acier pour se frotter au périple. Les attendent la gloire éternelle, le repos du juste, mais aussi, et accessoirement, la satisfaction d’avoir achevé un projet, ajoutée à un illustre diplôme à imprimer ainsi que les fameux goodies de la victoire.

Au programme : écriture acharnée, prose au mètre, tendinite de l'index, overdose de café, mais aussi la petite flamme magique déposée sur l’autel des dieux de l’inspiration. Est-ce que ce travail sera vain ? Ce sera aux Muses d’en juger. Si le pari semble osé, pour les grenouilles de CoCyclics, il est digne d’être fait. Cette année, une dizaine d’entre elles relève le gant avec panache. Pour votre bonheur, nous en avons interrogé trois, en attendant de recueillir leurs témoignages après trente jours de combats inhumains… Jo Ann et Melindra ont déjà bravé le NaNoWriMo ; Kira va relever le challenge pour la première fois cette année.


L'échauffement

Les chiffres avant les coups : 50 000 mots en trente jours, cela représente un peu moins de 1 667 mots par jour, soit encore la bagatelle de six pages à noircir toutes les vingt-quatre heures… quand l’horloge se montre clémente. Car, pour les guerriers du NaNoWriMo la vie ne s’arrête pas au premier novembre et il faut bien garder de la force pour les études, le boulot, la famille, sans parler de nourrir les poissons. Melindra s’adonne à l’écriture une fois les portes closes, « le soir en rentrant du travail », la motivation chevillée au corps. Jo Ann, quant à elle, se fait plus spartiate : « La nuit ! Je suis incapable de travailler avec la lumière du jour, alors qu'après 23h, j'ai l'impression que l'univers m'appartient. Il fait nuit, il n'y a pas un bruit dedans ou dehors, c'est calme... j'ai toujours été plus productive la nuit, c'est héréditaire. »

Mais pour des grenouilles le fer et la plume appartiennent déjà au quotidien ; alors qu'apporte la participation au NaNoWriMo ?
« La seule (grande) différence », explique Jo Ann, « est que j'ai au moins 50 000 mots à écrire dans un court espace de temps. Je ne peux pas me donner le luxe de réécrire quinze fois le même passage et de buguer devant une scène qui ne colle pas au reste de l'histoire. Je dois avancer, et y revenir plus tard, quitte à écrire la fin avant le milieu ! »
Le point de vue de Melindra est sensiblement le même, ce qu’il faut, c’est tenir : « Il faut écrire, même si la scène n'est pas prête dans sa tête. Impossible de revenir en arrière pour corriger ou faire une lecture rapide des scènes précédentes, histoire de vérifier que tout tient bien ensemble. C'est à la fois frustrant car on sait que beaucoup de choses seront à corriger, et en même temps génial, car on avance ! » Ceci dit, cette pugnacité (et la vie de vieil ermite qui s’impose avec) offre une belle récompense, même si l’on se retrouve en charpie au trente novembre : « À la fin du mois, j'étais vraiment crevée et j'ai fait une pause... tout en couvant du regard mes 50 000 mots ! »

Bien entendu, écrire 50 000 mots exige une sanglante préparation. On ne se jette pas à corps et à âme dans une écriture éperdue sans avoir la moindre idée de ce que l’on va faire. Car telle est la voie martiale de l’écrivain. Kira, nouvelle dans le challenge, a déjà établi son plan de bataille : « Énormément de documentation, parce que j'écris une uchronie : j'ai donc un dossier sur les bateaux au XVIIIe siècle, un sur l'esclavagisme, un sur les Aztèques, un sur le temps chez les Aztèques, un sur les indiens Tainos, un sur les P'urepechas, un sur les techniques de dessin et d'écriture, un sur les pirates, une carte du Mexique, etc.Ensuite j'ai écrit un synopsis détaillé mais pas trop pour me laisser une certaine marge de manœuvre quant aux réflexions des personnages. J'ai utilisé la méthode du flocon * pour me faire des fiches de personnages plus précises que d'habitude. Le but du jeu étant qu'au moment d'écrire je ne sois bloquée ni par un problème de synopsis, ni par une incertitude sur le passé d'un personnage, ni surtout par un détail technique qui nécessiterait des recherches supplémentaires. »
Jo Ann témoigne d’une montée de niveau dans ses entraînements : partie d'une simple phrase lors de son galop d’essai en 2006, elle se constitue une documentation en 2007, reconstruit le récit sur une base préexistante en 2008 et 2009, et, cette année, elle prépare son univers de fantasy en entier ! Bien entendu, même avec un synopsis détaillé, une stratégie de combat sur mesure, l’expérience du champ de bataille conserve sa magie, ses pièges et ses imprévus : « les personnages m'ont réservé de sacrées surprises remettant en cause le déroulement de l'histoire. Beaucoup de détails se sont mis en place lors de l'écriture », nous avoue Melindra.


Le repos du guerrier ou la contre-attaque ?

La plume est l’âme de l’homme de lettres, l’écriture sa joie propre, mais atteindre les 50 000 mots représente une joie plus infinie encore. Que reste-t-il à vivre après ?
Pour Jo Ann, le but est clair : conclure un premier jet fiable pour les cycles de correction plus ou moins périlleux et de futures soumissions aux éditeurs : « Le NaNo pour moi n'est pas qu'un simple défi. Je l'utilise pour débuter l'écriture d'un roman que j'ai réellement envie d'écrire et plus tard faire publier. Donc je n'écris jamais n'importe quoi. 50 000 mots, oui, mais je peux récupérer 80% de ce que j'écris, ce n'est jamais du vent. J'arrive souvent à 70/90K, mais ma moyenne idéale est de 60K pour les romans, donc je peux faire des coupes sombres dans le texte sans que ça perde son sens. Je prends le NaNoWriMo très au sérieux. »
Pour Melindra aussi, le cycle de corrections sera une étape obligatoire pour obtenir un texte à la hauteur : « Ce roman inachevé traîne dans un coin de mon disque dur : j'ai réalisé que je n'avais écrit que la première partie. Je voulais écrire la suite pour le Challenge premier jet 2010, mais j'ai fini par comprendre que je devais corriger ce que j'avais écrit pour finaliser le synopsis de la seconde partie. »


Les premiers espoirs

Nous laissons à Kira le soin de conclure, très lucide par rapport à cette expérience de vie que va lui apporter le NaNoWriMo :« Je me suis mieux préparée que d'habitude avant d'écrire un texte : d'habitude les phases recherche / élaboration du scénario / fiches personnages se font à peu près toutes en même temps que l'écriture. Là je vais procéder en plusieurs phases dont une d'écriture intense. Je pense que c'est faisable, même si en fait ce qui m'attire le plus dans le principe, c'est l'émulation collective : je connais un certain nombre de personnes qui font le défi (dix-neuf d'après mes NaNo Buddies [Amis NaNoteurs]) et je trouve sympathique de suivre la progression des autres en même temps que la mienne. Peut-être que le projet sera terminé à la fin du NaNo, peut-être pas, j'ai du mal à évaluer le nombre de signes : dans ce cas je prendrai le temps qu'il faudra en plus pour le boucler. Je me doute bien que le texte écrit de cette façon nécessitera beaucoup de retravail, ce qui est d'ailleurs un reproche couramment fait au NaNo : la quantité plutôt que la qualité. Mais comme ça correspond à ma façon de travailler habituelle : un premier jet plutôt brouillon et plusieurs versions derrière, la formule me convient. Verdict le trente novembre ! »


Un grand « Hurrah ! » d'encouragement pour les valeureux participants, en attendant que le cor qui signale le début des hostilités retentisse enfin.


* Le flocon : méthode de construction en plusieurs étapes.

http://www.advancedfictionwriting.com/art/snowflake.php

3 commentaires :

  1. Haut les coeurs ami(e)s grenouilles ! La ligne de départ n'est plus trop loin !

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  2. Hurrah ! On y est ! Yahoo !

    Je souhaite bon courage à tous les participants !

    Que les dieux de l'inspiration soient avec vous !

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