vendredi 17 mai 2013

Interview croisée : de l'auteur à l'éditeur


 
 L'équipe de Tintamare, toujours ravie de pouvoir mettre en lumière les membres du forum (que leurs romans soient passés par le cycle de bêta-lecture ou non) a eu le plaisir de poser quelques questions à Marilou Aznar dont L'héritère, le second tome du cycle "Lune Mauve" vient de paraître aux éditions Casterman. Son éditrice, Brigitte Ventrillon, s'est également prêtée au jeu pour nous offrir une interview croisée dans les coulisses de cette parution.

Pour commencer cet entretien, pouvez-vous vous présenter en quelques mots à nos lecteurs ?

Marilou Aznar : J’ai toujours aimé écrire, depuis l’enfance, mais ce projet de roman est assez récent. Après un passage dans l’industrie musicale, je me suis lancée dans l’adaptation de doublage en freelance, et le fait d’écrire les dialogues en VF pour des films et des séries m’a fait renouer avec l’écriture.
Lune Mauve est mon tout premier livre et j’ai beaucoup de chance que Casterman le publie !

Brigitte Ventrillon : Après des études de lettres et une dizaine d'années d'enseignement en pré-élémentaire, je suis passée chez différents éditeurs en tant que directrice de collection, éditrice ou directrice éditoriale avant d'arriver chez Casterman en 2000 pour m'occuper de la fiction (romans et albums).

Marilou, comment t’est venue l’idée de Lune Mauve ?

M.A : Au départ, je voulais écrire l’histoire d’une adolescente dont la mère a disparu. J’avais des musiques, des images des paysages, des lieux du roman dans la tête, et j’ai très vite commencé à écrire des ébauches de scènes. Le reste de l’intrigue de Lune Mauve m’est venue plus tard, au fil des pages. J’ai fait une pause pour peaufiner le scenario, car cela devenait difficile de travailler sans trame.
Je tenais absolument à ce que deux univers presque opposés s’entremêlent. Celui d’un lycée privé parisien très snob, avec des problématiques actuelles de hiérarchie sociale et de réseaux sociaux, et un univers teinté de fantastique, un monde parallèle où s’est développée une civilisation inspirée de la Mésopotamie ancienne.

Brigitte, comment vous est parvenu "Lune Mauve" ?

B.V : Il est arrivé sur notre site de réception des manuscrits (manuscritsjeunesse@casterman.com) où il a été vite repéré.

Dans "La Disparue", l'héroïne, Séléné, est confrontée à l’omniprésence des réseaux sociaux et aux dérives qu’ils peuvent engendrer. Marilou, c’est un phénomène qui t’interpelle en particulier ? Brigitte, d'un point de vue d'éditeur, c’est un phénomène qu'il vous semble important d'aborder dans un roman jeunesse ?

M.A : Je suis assez présente sur les réseaux sociaux. Cette manière de communiquer me fascine, et j’aurai adoré m’y plonger à l’adolescence. Mais l’éclatement de la sphère privée, la facilité de partage de photos, d'informations, etc. peuvent se révéler délicats à gérer (sentiment d’infériorité, repli narcissique, solitude…), et parfois même tragiques (harcèlement, suicide…).Certains s’y brûlent les ailes. Mais je n’avais pas pour objectif de dénoncer des dérives. Cela me semblait naturel d’intégrer cette réalité dans le roman, notamment pour servir l’intrigue. Les réseaux sociaux exacerbent les rapports de forces entre les personnages, à Darcourt notamment.

B.V : C'est un sujet intéressant que Marilou traite avec beaucoup de finesse. Cela m'intéresse donc mais si elle n'en avait parlé, je ne lui aurais pas demandé de le faire.

Marilou, as-tu fait appel à des amis, des proches, des bêta-lecteurs, avant l'envoi du manuscrit ?

M.A : J’ai fait relire mon manuscrit à deux personnages de mon entourage proche. Leur retour sans concession m’a été précieux pour corriger les fautes d’orthographe et épurer le style, mais aussi et surtout, pour repérer les incohérences, les passages inutiles, les dialogues ratés, etc. C’est un peu dur de voir son texte décortiqué, mais une fois le premier choc passé, on apprécie ce regard extérieur à sa juste valeur.
Une fois le manuscrit envoyé, j’ai posté quelques extraits sur Cocyclics, me maudissant intérieurement de ne pas avoir trouvé le forum plus tôt. Les remarques faites par les bêta-lecteurs m’ont toutefois été très utiles. Grâce à eux, j’ai épuré mon style et repéré mes tics d’écriture, et j’ai appris à doser la somme d’informations apportées aux lecteurs. Quand j’ai repris le texte pour effectuer des modifications suggérées par mon éditeur, j’en ai profité pour rendre meilleur.
Pour moi, il est essentiel de se faire relire. Et pour que l’exercice soit utile, il faut aborder le processus avec humilité, sang-froid et lucidité.

Brigitte, avez-vous beaucoup retravaillé le texte avec Marilou ?

B.V : Non, nous nous sommes rencontrés pour discuter de certains points, dont l'équilibre réalisme/fantastique ou de certains aspects de l'écriture mais tout cela en petites touches.

De quelle manière s'est déroulée la rencontre avec l'auteur ?

B.V : Je ne sais plus trop (il faudrait demander confirmation de ce que je dis à Marilou). Dans mon souvenir la personne qui a eu le premier regard sur les manuscrits lui a vite fait part de notre intérêt. Elle m'a passé le manuscrit qui est parti aussi chez d'autres lecteurs. Et nous avons assez rapidement rencontré Marilou.

Alors, Marilou, on veut tout savoir ! De quelle manière s’est déroulée la rencontre avec ton éditrice ?
M.A : J’ai envoyé le manuscrit de Lune Mauve par la Poste (ou par mail quand c’était possible) à une dizaine d’éditeurs jeunesse. J’ai reçu quelques lettres types de refus au début, assez décourageantes. Quelques lettres personnalisées d’éditeurs qui me proposaient des lignes directrices pour le reprendre m’ont redonné espoir. C’est alors que j’ai reçu un mail du comité de lecture de Casterman, me signalant que mon roman leur avait plu, un peu moins de trois mois après l’envoi du roman. Mon éditrice m’a contactée peu de temps après par téléphone pour me fixer un rendez-vous en présence de son équipe. Le courant est très bien passé et j’ai signé un contrat quelques semaines plus tard. Les corrections éditoriales se sont très bien passées également, car nous étions d’accord toutes les deux sur la direction finale à apporter au texte.

Enfin, auriez-vous des suggestions, des conseils, etc. à donner aux auteurs qui désirent soumettre leurs textes ?

M.A : C’est drôle ! J’ai justement écrit un article sur le sujet sur mon blog : 5 conseils avant d’envoyer son manuscrit à un éditeur.
Mais pour résumer : la clé, je crois, c’est d’envoyer le manuscrit le plus parfait possible à l’éditeur le plus susceptible de le défendre. Cela sous-entend que l’on est fier de son texte, persuadé d’avoir poussé l’histoire et les thèmes au maximum de leurs possibilités, que l’on s’est relu et l'on s'est fait relire, que l’on s’est mis dans la peau d’un lecteur pour évaluer le texte avec la plus grande objectivité possible et que l’on s’est renseigné sur les éditeurs et ce qu’ils publient.

B.V : De laisser reposer un peu leur manuscrit et de le relire avant de l'envoyer. D'essayer de lire un ou deux chapitres à voix haute. Un bon exercice aussi est de résumer le texte en une quinzaine de lignes puis en 2-3 et de voir si le résumé leur semble fidèle à ce qu'ils ont écrit et s'il "tient la route"'. Cela peut permettre de révéler des faiblesses ou un déséquilibre qu'il serait bon de revoir avant envoi.
De penser au lecteur : ce livre, je le destine à un lectorat de + 12. Le sujet et le style s'accorde-t-il à ces lecteurs ? Il ne s'agit pas de publier un livre de plus mais de se dire qu'il y aura des personnes qui doivent aller en librairie, choisir ce livre (sur sa couv. son titre mais aussi son sujet) et qu'elles mettront sur la caisse un billet de 20 euros pour le payer, celui-là et pas un autre. Il faut donc qu'il se démarque, par son style, par son univers ou plutôt par l'univers de son auteur.


Merci beaucoup à toutes les deux, et nous vous souhaitons le meilleur pour Lune Mauve !

Merci également à Silène, Cindy Van Wilder et Nadia Coste pour la réalisation de cet article.

Pour en savoir plus :

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