mardi 23 décembre 2014

NaNoWriMo 2014 - Le feuilleton, épisode 5 (fin)

Comme tous les ans, le mois de novembre a vu se dérouler le NaNoWriMo.
Mais quelle est donc cette étrange bête ? Dérouler le nom peut aider : National Novel Writing Month (http://nanowrimo.org/). Le but du challenge, donc, est d'écrire un roman de 50 000 mots en un mois. Et ce, aux côté de collègues auteur·e·s du monde entier (eh oui, le NaNo n'est plus national depuis bien longtemps).
Le NaNoWriMo, ce sont les participant·e·s qui en parlent le mieux. Tintama(r)re a donc réuni les témoignages de profils différents de NaNoteurs et de NaNoteuses, qui vous seront présentés tous les soirs.


Pour ce 5ème et dernier épisode, c'est Tûtie (http://tut-tuuut.github.io/), participante depuis cinq ans et quatre fois gagnante, qui répond aux questions de Vestrit.

Tu as organisé la Kick-Off lyonnaise, pas trop dur de gérer tous ces auteurs surexcités ?
Oh les auteurs surexcités, ça allait. J'ai centralisé quelques infos, lancé un peu de communication… En fait j'ai beaucoup délégué. C'est Isalila qui a négocié la salle avec La Cordée (http://www.la-cordee.net/), et c'est Lia et Loïc qui ont fait une grande part du travail de comm'. Moi j'ai juste signé le contrat et envoyé les infos pratiques.
C'était plutôt gérer le reste de ma vie (travail, bébé…), qui ne s'arrêtait pas pour le NaNo, qui était compliqué !

Et alors, avoue, on écrit ou pas aux write-in ?
Il y a des jours où c'est très studieux et où on écrit tout le temps, surtout à la fin du mois, et des jours où on passe un peu plus (voire… beaucoup plus) de temps à papoter qu'à écrire. Dans ces cas-là, on essaie de lancer des word wars assez souvent pour faire grimper le wordcount. Cette année, on était nombreux et ça papotait pas mal, mais ça écrivait bien. J'avoue quand même que j'ai des souvenirs de write-ins des années précédentes où on accumulait vachement plus de kilocalories que de mots. Cette année, ça va, j'ai gagné une seule taille de pantalon.
(Les Lyonnais ont un peu détourné le principe du NaMo pour en faire le NaNoEaMo, si on veut.)

Qu'est-ce que tu aimes dans cet événement ?
Déjà, j'adore l'identité "créatif un peu barré" que se donnent les organisateurs américains, et qui se ressent dans les forums anglophones. Je me souviens d'avoir hurlé de rire en lisant les e-mails de confirmation ou le règlement du site quand j'ai commencé en 2010.
J'aime bien l'aspect communautaire aussi, où on partage nos idées, où on s'entraide, où on se donne des défis idiots… Je pense au Gator français ou à la Pelle Itinérante de la Mort, bien sûr, mais aussi aux fils "I dare you" des forums anglophones qui m'ont débloquée plus d'une fois les jours où mon histoire n'avançait plus.
J'aime aussi le fait que l'événement soit ouvert, qu'il encourage n'importe qui à se lancer dans l'aventure, à se découvrir, à dépasser ses limites.

Comment travailles-tu pour venir à bout de ton quota quotidien ? Quelle est ta routine ?
 J'ai encore un peu de mal à venir à bout de mon quota quotidien (même au bout de cinq NaNos, oui…). En gros, si je suis en avance sur mon wordcount, je me repose sur mes lauriers et j'attends d'être en retard…
 Généralement j'écris le soir. Je coupe le wifi, je mets un chrono d'une vingtaine de minutes et j'écris. La plupart du temps je suis encore dans "la zone" à la fin du chrono et je peux y rester quelques minutes de plus (mais je décroche toujours rapidement au-delà de la demi-heure).
 Une fois que c'est fait, je rallume le wifi, je mets à jour mon wordcount et mon super fichier Excel, je vais glander un peu sur Twitter, et puis rebelote : wifi coupé, chrono, écriture.
Il me faut deux ou trois sprints de 20 minutes pour avoir mes 1667 mots. Ça fait environ une heure et demi… Mais en vrai, les soirs de semaine je fais plutôt un seul sprint, et je fais des grosses sessions le week-end (avec ou sans write-ins).

Pour finir, qu'est-ce que le NaNo t'a apporté ?
 Des outils anti-procrastination assez efficaces et une certaine capacité de concentration, pour commencer.
Sinon, il m'a menée sur l'écriture, un passe-temps auquel je n'avais jamais sérieusement réussi à me mettre, même si j'étais une grande lectrice. (Oui, j'avoue, j'ai écrit mon premier NaNo essentiellement pour avoir une réduction sur Scrivener, je n'écrivais pas du tout avant !) Rester un mois concentrée sur un projet, sans parler d'écrire une fiction plus longue que quelques pages… c'était quelque chose d'inimaginable pour moi auparavant.
Et il m'a apporté une belle bande de copains fous-fous, qui sont ici aujourd'hui dans le public. Je leur fais plein de bisous.


Notes :
  • Lexique du NaNoWriMo (fr) : http://wrimos.fr/faq/le-lexique-du-nanowrimo/
  • Site du NaNoWrimo : http://nanowrimo.org/

lundi 22 décembre 2014

NaNoWriMo 2014 - Le feuilleton, épisode 4

Comme tous les ans, le mois de novembre a vu se dérouler le NaNoWriMo.
Mais quelle est donc cette étrange bête ? Dérouler le nom peut aider : National Novel Writing Month (http://nanowrimo.org/). Le but du challenge, donc, est d'écrire un roman de 50 000 mots en un mois. Et ce, aux côté de collègues auteur·e·s du monde entier (eh oui, le NaNo n'est plus national depuis bien longtemps).
Le NaNoWriMo, ce sont les participant·e·s qui en parlent le mieux. Tintama(r)re a donc réuni les témoignages de profils différents de NaNoteurs et de NaNoteuses, qui vous seront présentés tous les soirs.




Ce soir, un nouveau NaNoteur, Jeremie (http://www.destination-futur.fr), se colle aux questions de Vestrit.


Premier NaNo cette année : qu'est-ce qui t'a poussé à rejoindre l'aventure ?
Une lectrice de mon blog m'en avait parlé il y a un an et demi déjà, mais je ne me sentais pas prêt pour ça à l’époque et, surtout, je n'avais pas de projet assez consistant ni assez clair dans ma tête. Cet été, j'ai écrit une novella de 25000 mots (une enquête policière dans une cité spatiale), mais le scénario présentait trop d'incohérences et manquait de suspense. De plus, je sentais que l'histoire gagnerait à être développée.
Du coup, la situation était idéale pour le NaNo : réécrire entièrement ce projet pour lequel je disposais déjà d'une intrigue, d'un univers assez riche et d'un réseau de personnages. Il ne me restait qu'à corriger et étoffer le synopsis pour être prêt !

Tu es venu à bout de ton quota, quel effet ça fait de voir le logo Winner apparaître ?
C'est gratifiant pour un auteur débutant comme moi qui, au départ, doutait d'y arriver ! D'autant que le moral n'a pas toujours été au beau fixe et que j'ai commencé 2 nouvelles la dernière semaine parce que je saturais un peu de mon roman à cause de la complexité de l’enquête… (évènements simultanés, indices, etc.)
Réussir ce challenge a accru ma confiance en ma capacité à devenir écrivain à plein temps (c'est mon objectif !) et à pouvoir produire beaucoup tout en assurant une qualité acceptable aux premiers jets.

Qu'est-ce que tu aimes dans cet événement ?
J'ai bien apprécié l'aspect « challenge personnel » qui incite à repousser les limites de ce dont on se croit capable. C'était super de pouvoir avancer un grand coup sur un projet qui traînait en longueur (bon, il y a encore du travail, hein !) et j'ai beaucoup aimé rencontrer autant d'auteurs, que ce soit sur le forum du NaNo, sur celui de CoCy où il y avait un fil dédié, sur la page Facebook du NaNo France, sur Twitter que je découvrais pour l'occasion ou IRL à la Kick-Off Party (voir plus bas). C'était motivant de s'encourager les uns les autres et de sentir concrètement que je ne suis pas seul à autant aimer écrire !

Comment travailles-tu pour venir à bout de ton quota quotidien ? Quelle est ta routine ?
J'ai commencé par une journée à 6000 mots grâce à la Kick-Off, ce qui m'a donné une avance confortable. Chaque jour, je regardais le graphique de mes statistiques et mon objectif était de ne pas me faire rattraper par la droite moyenne du quota quotidien (1667 mots/jour). J'ai trouvé cela motivant et en même temps, ça m'a permis de ne rien écrire certains jours, pour souffler et sortir un peu…
Je n'ai pas vraiment de routine de travail : j'écris le soir en semaine après le travail quand je peux, un peu le mercredi car j'ai la journée de libre, et un peu le week-end. Pour le NaNo, j'ai surtout écrit le soir, mais en poussant beaucoup plus tard que d'habitude, avec de bonnes sessions d’écriture le week-end (3 000 à 5000 mots). J'ai aussi écrit avec beaucoup d'efficacité, seul, dans un café sans connexion à internet et avec des boules Quiès. Méthode « 0-distraction » car la procrastination me guettait parfois…

Tu as participé à la Kick-Off parisienne dans les locaux de Bragelonne ; raconte-nous un peu cette soirée.
Les « Municipal Liaison » de France ont contacté Bragelonne pour organiser chez eux la soirée de lancement du NaNo. L'idée de rencontrer d'autres NaNoteurs dans un évènement collectif me plaisait beaucoup et Bragelonne est un éditeur que j'apprécie, notamment pour avoir édité les manuels d'écriture d'O.S. Card et des titres tels que Le Chasseur et son Ombre (je suis plus SF que Fantasy).
Avec le recul, j'aurais bien aimé poser davantage de questions au personnel de Bragelonne (très sympathique soit dit en passant) sur leur politique d'édition vis-à-vis des jeunes auteurs… Il y a bien le Grimoire Galactique des Grenouilles, mais c'est pas pareil. Je réécrirai peut-être à l'attachée de presse, Leslie Palant, pour une interview sur mon blog à ce sujet, si elle est d'accord.
Bref, quand j’ai découvert cet évènement, je me suis tout de suite inscrit. Et j'ai bien fait : ça a été complet très vite… J'étais donc la seule grenouille de la Mare ;-)
L'ambiance était très conviviale, les gens s’étaient déguisés et avaient ramené des plats salés et sucrés, le stock de café/thé/chocolat avait été fait, des petits jeux pour faire connaissance ont été organisés, je me suis fait quelques copains ^^… Et à minuit tapante, la première session d’écriture, intitulée Words War (= guerre des mots), a démarré : écrire le plus possible en 1 heure, avec « Écrivez un roman en 30 jours » à gagner, un livre sur le NaNo par le fondateur du NaNo.
J'avais les premières pages de mon syno sous les yeux et je savais exactement où j'allais avec ma scène d'intro. J'ai donc pensé que mon score était assez honorable : 1114 mots en 1 heure ! Mais à l'annonce des résultats, j'ai réalisé que j'étais en réalité très loin derrière le peloton de tête qui tournait entre 2 000 et 3000 mots, et 3700 pour la gagnante…
J’ai compris que je ne pouvais pas rivaliser et que je préférais de toute façon écrire plus lentement quelque chose qui serait d’une qualité acceptable, que je corrigerais et enrichirais au fur et à mesure (oui, certains prônent de ne jamais revenir en arrière, mais je ne suis pas d’accord !). J'ai donc abandonné l'idée de gagner les autres livres mis en jeu pour les manches suivantes qui ont duré jusqu'à 6h du matin.
Bilan : 3370 mots en 3 heures de travail (+ de 12000 pour une participante, ça reste un mystère pour moi…). Avec 3000 de plus pendant mon retour en train, les premières 24h m'assuraient donc l'avance confortable dont j'ai parlé plus haut.

Pour finir, qu'est-ce que le NaNo t'a apporté ?
Très clairement, ce mois d'écriture intensive m'a permis de gagner en productivité et en rapidité (sans perdre en qualité) ! J’ai l’impression que ça m’a décoincé. Je le mesure vraiment ce mois-ci sur mes différents projets en cours. Notamment, j'ai écrit quasiment d'une traite une nouvelle de 9000 mots pour l'AT Toxic-World. Et je conserve la même énergie pour la novella commencée pendant le NaNo.
Avant, j'aurais peiné, je me serais arrêté à chaque scène écrite, j'aurais eu besoin d'une pause, d’un tour sur les réseaux sociaux avant de continuer, j'aurais peut-être remis la suite au lendemain, alors que là, j'ai enchaîné. Il est maintenant plus facile pour moi de m'attaquer à des actions, des dialogues ou des descriptions qui avant m'auraient rebuté.
« Le NaNoWriMo est un sprint d'un mois » a dit à juste titre Neil Jomunsi qui a accompli un marathon d'écriture avec 52 nouvelles en 52 semaines. Eh bien, j'ai l'impression que le second effet NaNo est une accélération de mon propre rythme d'écriture : j'estime qu'il a dû doubler (désormais autour de 800 mots par heure). Et je compte bien recommencer en novembre prochain et participer aux camps NaNo d'avril et de juillet où l'on est libre de choisir son objectif de mots. Histoire de me faire des petits sprints au milieu de mon marathon annuel :-)

dimanche 21 décembre 2014

NaNoWriMo 2014 - Le feuilleton, épisode 3

Comme tous les ans, le mois de novembre a vu se dérouler le NaNoWriMo.
Mais quelle est donc cette étrange bête ? Dérouler le nom peut aider : National Novel Writing Month (http://nanowrimo.org/). Le but du challenge, donc, est d'écrire un roman de 50 000 mots en un mois. Et ce, aux côté de collègues auteur·e·s du monde entier (eh oui, le NaNo n'est plus national depuis bien longtemps).
Le NaNoWriMo, ce sont les participant·e·s qui en parlent le mieux. Tintama(r)re a donc réuni les témoignages de profils différents de NaNoteurs et de NaNoteuses, qui vous seront présentés tous les soirs.



 Ce soir, c'est Earane (http://earaneinfantasy.blogspot.fr/) qui répond aux questions de Vestrit.


Tu fais partie des auteurs qui ont tenté leur chance mais n'ont pas réussi à venir à bout du défi : pas trop déçue ?
Non, pas vraiment. Je me connais assez bien pour savoir que je n'y parviens jamais. Même en me partageant sur plusieurs projets, je n'ai jamais atteint le cap des 50k. Cela dit, je ne le fais pas spécialement dans l'optique de l'atteindre mais plutôt d'avancer à un rythme plus soutenu, ce que parfois je ne suis pas en mesure de faire hors NaNo (ou même le Camp NaNo) pour diverses raisons inhérentes au quotidien. Disons que c'est un défi que je me lance et tant que j'avance, c'est l'essentiel !

Qu'est-ce que tu aimes dans cet événement ?
L'émulation est la principale raison pour laquelle je participe. Je me suis déjà demandée s'il ne valait mieux pas que j'arrête, vu que je ne parviens jamais aux 50K. Pourtant, je continue. Recevoir les encouragements des autres, des inconnus aussi sur les forums généraux ou les forums de région est une chose qui motive beaucoup. Que l'on réussisse ou non finalement car c'est là pour moi le but du NaNo, avancer dans la bonne humeur et s'encourager les uns les autres. J'aime également le fait que l'on voit les avancées des autres. Et même si l'on pourrait y voir de la jalousie apparaître, personnellement, ça me fascine de constater à quel point certains sont des machines de guerre, qui avancent coûte que coûte, voire enchaînent plusieurs projets durant ce même laps de temps. Moi, je suis plutôt l'escargot qui s'arrête et regarde autour de lui. Chacun peut y trouver son compte finalement.

Comment travailles-tu pour venir à bout de ton quota quotidien ? Quelle est ta routine ?
J'essaie de m'astreindre à un quota minimal de 500 mots. C'est moi qui me fixe ce quota, je ne fais pas particulièrement attention à celui indiqué sur l'écran d'accueil du NaNo. Quand je sais que mon emploi du temps me permet d'écrire davantage, je fais mon maximum. Parfois je n'écris pas du tout. C'est très aléatoire et assez tributaire aussi de ma vie de tous les jours. Il est rare que je rattrape mon retard, mais c'est sans doute une période durant laquelle je suis plus régulière. Parce que l'émulation et les encouragements me poussent également à me mettre devant mon projet.
Cela dépend aussi du moment de la journée durant lequel je peux écrire. Je dois avouer que je suis nettement plus productive le matin ou fin d'après-midi. Le soir, j'ai plutôt tendance à m'éparpiller ^^

Pour finir, qu'est-ce que le NaNo t'a apporté ?
Des avancées nettes dans l'un de mes projets dont seul le prologue était écrit. J'ai écrit au final 9000 mots pour ce projet, de quoi bien lancer la machine et me dire que ce projet va avoir toute mon attention durant les prochains mois, au même titre que le second dans lequel je me suis replongée aussi. Sinon, cela m'a permis de découvrir quelques chouettes projets chez des copains NaNoteurs et glaner aussi quelques conseils pour mieux m'organiser !

samedi 20 décembre 2014

NaNoWriMo 2014 - Le feuilleton, épisode 2

Comme tous les ans, le mois de novembre a vu se dérouler le NaNoWriMo.
Mais quelle est donc cette étrange bête ? Dérouler le nom peut aider : National Novel Writing Month (http://nanowrimo.org/). Le but du challenge, donc, est d'écrire un roman de 50 000 mots en un mois. Et ce, aux côté de collègues auteur·e·s du monde entier (eh oui, le NaNo n'est plus national depuis bien longtemps).
Le NaNoWriMo, ce sont les participant·e·s qui en parlent le mieux. Tintama(r)re a donc réuni les témoignages de profils différents de NaNoteurs et de NaNoteuses, qui vous seront présentés tous les soirs.


Ce soir, Aelys (http://lesmotsdaelys.blogspot.fr/) se prête au jeu et répond aux questions de Vestrit.

Aelys, tu es une NaNoRebelle, comme on dit, tu nous expliques à quoi ça correspond ?
Ça veut tout simplement dire que je fais le Nano avec les autres, mais pas en écrivant un premier jet. Pour ma part, j'avais de grosses corrections, à la limite de la réécriture, à faire sur un roman de 50 000 mots, et j'ai choisi d'utiliser l'émulation et les quotas du Nano pour atteindre cet objectif. C'est moins lourd à gérer qu'un vrai Nano, mais garder le rythme sur des corrections lourdes n'est pas toujours facile non plus, ça m'a donc été très utile !

Qu'est-ce que tu aimes dans cet événement ?
L'émulation avant tout : le fait qu'on soit nombreux à se lancer ce défi fou, à demander des nouvelles des autres, de leurs avancées. Quand on est crevé mais qu'on voit les copains d'acharner, ça motive pour se lancer malgré tout ! Sans compter que, quand on a un problème, on peut toujours compter sur eux pour nous débloquer.

Comment travailles-tu pour venir à bout de ton quota quotidien ? Quelle est ta routine ?
Alors, euh, je suis un mauvais exemple pour ça, parce que je n'ai pas de routine ni de quota quotidien. En particulier pour le NaNo rebelle : puisque ce sont des corrections et non un premier jet qui peut être tout pourri, je préfère prendre le temps dont j'ai besoin pour réfléchir quand j'en ai besoin, quitte à prendre du retard... en revanche, quand j'avance, j'avance à fond !
Donc je travaille par étapes, en me ménageant des plages de travail et en gardant mes réflexions en fond dès que je quitte l'ordinateur, pour résoudre les problèmes un à un.

Pour finir, qu'est-ce que le NaNo t'a apporté ?
La fin des corrections des Notes pour un monde meilleur, qui ont été difficiles et m'ont demandé beaucoup de persévérance... Grâce à l'émulation du NaNo, j'ai pu m'y mettre à fond et l'envoyer à l'éditeur à la fin du mois ! Et, cerise sur le gâteau, apprendre qu'il veut la publier le mois suivant. Merci, le NaNo !

vendredi 19 décembre 2014

NaNoWriMo 2014 - Le feuilleton, épisode 1

Comme tous les ans, le mois de novembre a vu se dérouler le NaNoWriMo.
Mais quelle est donc cette étrange bête ? Dérouler le nom peut aider : National Novel Writing Month (http://nanowrimo.org/). Le but du challenge, donc, est d'écrire un roman de 50 000 mots en un mois. Et ce, aux côté de collègues auteur·e·s du monde entier (eh oui, le NaNo n'est plus national depuis bien longtemps).
Le NaNoWriMo, ce sont les participant·e·s qui en parlent le mieux. Tintama(r)re a donc réuni les témoignages de profils différents de NaNoteurs et de NaNoteuses, qui vous seront présentés tous les soirs.



Aujourd'hui, c'est Jo Ann (http://www.joannv.com/), une grande habituée du NaNo, qui répond aux questions posées par Vestrit.


Tu es une habituée du NaNoWriMo, depuis combien de temps participes-tu ?
 Je participe depuis 2006 ! Huit ans où je ne manque pas un seul rendez-vous de novembre.

Qu'est-ce que tu aimes dans cet événement ?
L'effervescence, surtout ! J'écris toute l'année, mais cela n'a pas la même saveur. En novembre, nous sommes des milliers avec un même objectif et c'est presque comme des Fêtes avant les Fêtes. En plus, les nanauteurs avec qui j'ai commencé sont devenus des amis au fil des années.

Tu as dépassé les 100 k mots, soit le double de l'objectif de base du NaNo, comment travailles-tu ? Quelle est ta routine ?
Je n'ai jamais dépassé les quinze jours, même à ma première session, donc je me suis donnée d'autre défi : dépasser ces 50K. Mes romans contemporains dépassent rarement ce seuil, alors la motivation s'essouffle et je traîne des pieds pour le reste du mois. Alors j'ai décidé de mieux tirer profit de l'émulation et d'essayer de me lancer un deuxième Nano. Jusqu'ici, je ne parvenais qu'à la moitié, mais cette année, je suis parvenue à terminer mon Nanobis. C'est la première fois que j'écris deux romans en si peu de temps.
J'écris vite et quand je me lance, même sans savoir où je vais, je ne m'arrête pas tant que je n'ai pas atteint mon quota qui varie entre 3 334 (le double du quota habituel) et 5 000. Peu importe mon niveau de fatigue ou de lassitude, j'écris.

Pour finir, qu'est-ce que le NaNo t'a apporté ?
Tout ! :-) Depuis 2006, tous les romans que j'écris, même hors novembre, sont pensés/organisés/écrits à la façon d'un NaNo. J'ai compris que je n'avais pas besoin de plus de 50K pour raconter mes histoires contemporaines et que je parvenais à écrire des premiers jets assez propres pour pouvoir en dégager la majorité du texte. Le NaNo est une excellente école, du moins, ça l'a été pour moi.

lundi 15 décembre 2014

Les 9 jours de la nouvelle - 3e édition !

Le NaNoWriMo est désormais terminé. À l'heure où les bilans et les projets fleurissent malgré la baisse de température hivernale, il est temps de faire un point sur un événement qui a eu lieu sur le forum CoCyclics : les 9 jours de la nouvelle, du 8 au 16 novembre 2014.

Le principe de l'événement est simple : pendant neuf jours, ceux et celles qui le souhaitent peuvent travailler leurs nouvelles. Le fonctionnement de l'événement n'est pas sans rappeler le Camp NaNoWriMo : chacun s'inscrit et annonce le nombre de nouvelles qu'il/elle souhaite travailler. Plusieurs animations sont mises en place, notamment les défis et contraintes proposés par les participants pour pimenter les écrits.

Pour cette troisième édition, l'équipe du Port Incertain (en charge des événements liés à la nouvelle) a décidé de mettre en place les 9 jours pendant le NaNoWriMo. « Nous avons un peu réfléchi avant de faire un tel choix, le NaNo étant un évènement vraiment important en novembre et nous ne souhaitions pas qu'il fasse trop d'ombre aux 9 jours. Cependant, les membres du forum étaient impatients de retrouver ce rendez-vous et, après avoir lancé un sondage pour savoir si nous aurions assez de participants, nous nous sommes lancés dans l'aventure », explique Booz.

Force a été de constater que beaucoup des membres participant aux 9 jours ne participaient pas au NaNo, pour différentes raisons. Mais tous s'accordent à dire que les 9 jours, s'ils ont été suivis avec plus ou moins d'assiduité par chacun, leur ont permis d'avancer leurs projets. « C'est un vrai booster, une parenthèse idéale pour se concentrer sur les projets de nouvelles et se motiver à plusieurs », témoigne Najdah.

Quelques chiffres se dégagent : 33 nouvelles inscrites pour 21 auteurs s'étant déclarés participant à l'événement. Si toutes les nouvelles n'ont pas forcément été terminées, un bon nombre ont pu être finalisées ou avancées et travaillées par leurs auteurs respectifs.

Au final, cette troisième édition aura été un succès, tant dans l'émulation que le partage des idées.

Merci à Atar pour la rédaction de cet article !

Notes :

lundi 24 novembre 2014

La Convention CoCyclics 2014

Chaque année, le forum CoCyclics propose à ses membres de se réunir le temps d'un week-end. À la Convention, on parle littérature, on participe à des ateliers de travail et, bien entendu, on se détend. C'est l'occasion de rencontrer les autres membres du forum et de mettre des visages sur les pseudos.
Cette année, la Convention a eu lieu dans l'Aube, au gîte de Bois Gérard (http://www.boisgerard.fr/index.php) et a réuni pas moins de 56 auteurs. Cet environnement exceptionnel a permis aux participants de s'isoler totalement du monde loin d’internet et même du réseau mobile.

©LHomme au Chapeau

À la convention, les plus motivés peuvent travailler dans une ambiance sereine et décontractée.

Vendredi, à peine la nuit tombée et les premiers membres arrivés, les ateliers commencent déjà avec une table ronde dédiée aux cycles de bêta-lecture (cf. les articles L'histoire d'un cycle CoCyclics et La bêta-lecture têtard, qu'est-ce que c'est ?).
Patastec, Arya et Isaiah, qui ont tous les trois vécu ce moment, ont ainsi partagé leur expérience sous le feu des questions de Sytra, modératrice de la table ronde, et des participants.
Pour chacun des intervenants, le cycle a été une expérience formidable, un moteur de progression et une prise de conscience de ses forces et faiblesses. Tous attestent que leurs romans sont sortis grandis de cette expérience de longue haleine, d'une durée de 5 à 24 mois.
« Vous vous souvenez de l'effet que vous a fait votre première bêta ? Pour le premier cycle, c'est pareil. »
Pour le premier roman soumis en cycle, il faut donc s'attendre à un choc. Mais les auteurs en redemandent ! Arya, par exemple, a entamé tout récemment un nouveau cycle, convaincue de pouvoir apprendre encore beaucoup.

Le samedi soir, dans une salle comble, nouvelle table ronde autour l'édition numérique et des éditeurs pure player, soit qui n'éditent les romans et nouvelles que sous format numérique. La discussion commence par une lecture des témoignages de Desienne (Toxic chez Walrus) et Kira (Les enfants du feu chez Numeriklivre, En plein cœur chez Harlequin) sur le sujet, absents ce jour-là. Puis, Scipion (Seuls dans la collection SNARK) a complété en direct les réponses afin d'approfondir le débat.
On y parle des différences entre papier et numérique et des genres et formats plus adaptés à l'un ou à l'autre.
La leçon essentielle de cette discussion est que l'édition numérique doit être un choix de l'auteur, et pas une option par défaut.

Au cœur de la nuit de samedi à dimanche, les couche-tard, très tard, se sont frottés à un exercice redouté : la scène de sexe. Au cœur du traditionnel atelier Q, Beorn et Lilie ont fait la lecture d'exemples, bons ou mauvais, avant de confier aux participants des cadavres exquis à mots-clefs imposés, ainsi qu'une scène de sexe à écrire à partir de 4 éléments tirés au sort (et pas toujours des plus aisés, tentez donc la scène de sexe en utilisant Yoda, Jeanne d'Arc, la pelouse d'un stade et une poupée Barbie…).

Le dimanche matin, malgré le départ imminent, les participants se sont massés dans la forge pour écouter les conseils de Beorn. Leur but ? Apprendre à faire un bon pitch, c'est-à-dire quelques phrases d'accroche, pour donner envie de lire leurs récits... Il leur a fallu pour ça se mesurer à l'exercice sur quelques-unes des œuvres les plus connues de SFFF, que ce soit sur le papier ou au cinéma.

Alors certes, on travaille et on parle très sérieusement d'écriture, mais la convention est aussi un moment de détente et d'échanges.

Dès vendredi soir, les jeux de société sont de sortie et permettent à tous de se détendre après le long trajet qui les a menés à Bois Gérard. Étrangement, ou pas, les auteurs se révèlent particulièrement friands des jeux qui stimulent leur imagination, tels Dixit, les Story cubes ou le Loups-garous de Thiercelieux.

Samedi, en fin de matinée, se déroule la tombola : un roman déposé, un roman tiré au sort. Bien vite, les auteurs se retrouvent avec une nouvelle œuvre en main et partent parfois à la chasse à l'échange. Cette année, en prime, Garulfo a ramené quatre cartons pleins de romans qui ont fait de nombreux heureux.

L'après-midi, une trentaine d'auteurs excités comme des puces se lancent à l’assaut des bois environnants.
La cause de ce chahut ? La chasse au trésor organisée par Valerianne, assistée de Vestrit. Les énigmes font chauffer les neurones, mais un imprévu pimente la partie : les parchemins n'ont pas été découverts dans l'ordre prévu ! Les indications pour trouver les énigmes suivantes deviennent immanquablement très obscures et la confusion s'abat dans le bois. Il faudra finalement que les deux organisatrices interviennent sur le terrain en courant après les équipes perdues un peu partout, remettant les joueurs sur le droit chemin au lieu de les regarder s'agiter de loin d'un œil moqueur.

©Garulfo

Le samedi soir, les administrateurs du forum se sont frottés à un exercice difficile : discourir devant une armée d'auteurs affamés humant l'odeur du chili en préparation. Chacun d'eux a pris la parole tour à tour, Beorn perché sur une chaise pour se faire entendre. Nankin, qui s'annonce pourtant comme la plus timide, fera la prestation la plus remarquée, introduisant la théorie de Moïse et de la séparation des conversations autour d'elle. Chacun d'eux s'en sort avec les honneurs, sous des acclamations nourries.

Après cette allocution, les participants peuvent dévorer le chili con carne concocté par la redoutable équipe de cuisinières sous la houlette de Bergamote et Illiane. À nouveau, les auteurs papotent avant de se lancer dans une partie de loup-garou dans un village des plus volumineux (l'une des joueuses s'endormira même pendant la première nuit).

Le dimanche arrive bien trop vite. Beaucoup ont sacrifié leurs nuits sur l'autel de la Convention, les regards sont cernés. Les départs commencent à s'égrainer avant même le déjeuner et peu à peu la grande salle se vide. Après un dernier repas tous ensemble, une répartition des mets survivants, les derniers s'attellent au rangement et les bagages rejoignent les voitures.
Alors qu'ils s'éloignent du gîte, une pensée s'instille dans les esprits : « À quand la prochaine ? ».

La Convention ne pourrait pas exister sans l'équipe d'organisatrices et d'organisateurs qui passe une grande partie de l'année à travailler à la prochaine.

Un grand merci à :
  • Vestrit, chef d'orchestre qui a su trouver ce gîte suffisamment grand pour abriter 60 participants et permettre à tous de vivre ces moments uniques et magnifiques.
  • Illiane et Bergamote qui ont tenu la cuisine d'une main de maître pendant ces 3 jours.
  • Valerianne et Vestrit pour cette épique chasse au trésor.
  • Amonis qui était présent sur place avant et après tout le monde, pour en faire l'état des lieux avec Vestrit.
  • Conteuse qui a concocté les fiches permettant à chacun de reconnaître les autres, alors même qu'elle ne pouvait venir.
  • Roanne, elle aussi absente, qui a collecté les demandes de participations et reçu les contrats.
  • Melindra, encore une absente, pour son œil acéré sur les contrats.
  • Lilie pour l'organisation de la tombola.
  • Hatsh, Isaiah et Alaric pour leurs doigts de fées.
  • Sytra pour l'organisation des ateliers.
  • Ayalys pour la logistique des arrivées des grenouilles, sans qui le trajet gare - gîte aurait paru long à pied.
  • Aux intervenants des tables rondes et ateliers : Isaiah, Patastec, Arya, Scipion, Beorn et Lilie.
  • Aux petites mains qui ont aidé à la cuisine : Anaïs, Ayalys, Helike, Isaiah, Alaric.
  • Aux permanents, qui ont veillé sur les préparatifs de la convention et ont permis qu'elle se déroule, pour la cinquième année consécutive, dans des conditions idéales pour les participants.
Et merci à Vestrit et Francis Ash pour ce compte-rendu !

lundi 17 novembre 2014

Secrets d'anthologistes : Thomas Bauduret

C'est par une radieuse matinée de printemps, pendant le festival Zone Franche 2014 à Bagneux, que Thomas Bauduret a accordé cette interview à Mariedelabas au sujet de son travail d'anthologiste chez Malpertuis. Depuis cinq ans, l'anthologie annuelle des éditions Malpertuis rassemble en un volume dense le meilleur du fantastique, où se côtoient auteur·e·s aguerri·e·s, étoiles montantes et plumes prometteuses.
Thomas Bauduret est également traducteur et auteur sous le nom de Patrick Eris.

©Bertrand Robion



MDLB : Bonjour Thomas. Pouvez-vous vous présenter, ainsi que la maison d'édition Malpertuis ?

TB : Bonjour CoCyclics, j'en connais déjà quelques-uns, mais c'est toujours un plaisir !
Eh bien, j'ai sévi majoritairement dans Malpertuis. J'avais déjà fait une première anthologie qui s'appelait Rock Stars chez Nestiveqnen (ndlr : sous le nom de Patrick Eris), ça s'était plutôt pas mal passé, les auteurs étaient contents, et l'antho s'était bien vendue. Donc, quand on a lancé les éditions Malpertuis (dont l'origine serait une autre, très longue histoire pour un autre jour [1]), ma première idée a été de faire une anthologie qui ne soit pas thématique, sans autre sujet que le fantastique. Parce que le problème avec une anthologie thématique, quand on a une idée et que l'anthologie est déjà passée, on l'a dans l'os, et quand on a une idée trop tard, on l'a aussi dans l'os parce qu'il y a peu de chances que quelqu'un refasse une anthologie sur le même thème. Donc j'ai décrété « Ce sera une anthologie de fantastique point barre ».

MDLB : Comment êtes vous arrivé à devenir anthologiste ?

TB : Ce fut une très longue déchéance, vous comprenez… (rires) Non, sérieusement, j'ai partiellement répondu dans la première question. C'est parce que j'avais déjà fait une anthologie avec un éditeur avec lequel je m'entendais excessivement bien, j'ai tenté l'aventure et l'essai a été concluant. J'ai eu des gens très bien comme Jean-Marc Ligny, Michel Pagel, Philippe Ward, qui m'ont fait confiance et donc voilà, à partir de là, je dirais que ce fut un cheminement naturel. J'ai eu envie de retenter l'expérience. L'occasion fait le hareng, comme on dit (rires).

MDLB : Quelle sont les motivations pour diriger une anthologie ?

TB : Majoritairement, la découverte. Franchement quand je tombe sur une nouvelle qui me retourne, surtout quand il s'agit d'un texte de débutant puisque c'est un petit peu dans notre vocation, c'est un plaisir, déjà de lecture pour moi, qui ai la chance de ne pas être complètement blasé malgré des années dans ce métier, et aussi c'est le plaisir parfois d'avoir en plus des auteurs qui deviennent quelque chose. Ophélie Bruneau par exemple, qui a commencé chez nous, a deux et bientôt trois romans derrière la cravate, Sylvain Lasjuilliaras a sorti un roman, Olivier Gay qu'on ne présente plus n'a pas eu une de ses premières publications chez nous, mais ses premières nouvelles professionnelles chez Malpertuis… On n'est pas du tout possessifs sur nos auteurs. Au contraire, si un jour on a l'« Espoir de demain » et qu'il finit quelque chose d'énorme, alors là, qu'est ce qu'on sera content ! Ça voudra dire qu'on aura bien fait notre boulot de défricheurs. C'est quelque chose qu'on peut se permettre, car on est une toute petite structure, donc sans les objectifs de rentabilité, tous ces mots pas foncièrement barbares.
L'édition, il faut en passer par là, c'est aussi un business. Nous, on est à peu de chose près du fanzine amélioré, grâce à l'impression à la demande, grâce à l'associatif, on peut se permettre ce genre de choses. On peut se permettre des choses plus osées, des nouvelles très expérimentales comme on a eu quelques fois, et le plaisir c'est de se dire : « Celle-là, je la prends, parce que sinon personne ne l'acceptera jamais, et pourtant elle mérite d'être publiée ».

MDLB : Quel est le rôle d'un anthologiste selon vous ?

TB : Difficile à dire, en effet. Tout simplement d'essayer d'avoir un choix correct, faire un sorte que ses goûts correspondent à ceux d'une partie du public, parce qu'il faut être net, si on veut plaire à tout le monde, on fait du consensuel. Il est assez marrant de voir que quand on demande quelles sont les trois nouvelles préférées dans une anthologie on n'a jamais les mêmes réponses, et c'est très bien comme ça. Donc c'est d'essayer d'avoir une vraie diversité, peut-être parfois faire un peu abstraction de ses choix en dehors des coups de cœur que personnellement j'assume totalement. C'est de se dire : « Est-ce que cette nouvelle mérite d'être publiée, est-ce que cet auteur, si c'est un débutant, mérite d'exister ? ». Des fois c'est un petit peu cornélien, le jugement de Salomon, un petit peu cruel… Il y a des cas où c'est impubliable, il n'y a pas photo. Il m'arrive aussi de donner des réponses négatives mais en même temps positives : « C'est pas encore ça, mais continuez, il y a quelque chose… ».

MDLB : Comment s'effectue le choix des textes ?

TB : Il y a des coups de cœur : ces textes-là, je les veux, et même, le premier qui y touche, je le mords (rires). Il y a les textes sur lesquels je suis plus mitigé, où j'ai commencé à faire des listes, oui, non, oui, non. Je pars aussi du principe que « premier arrivé premier servi », c'est-à-dire que je lis les textes dans l'ordre d'arrivée. Si la même idée est traitée deux fois, eh bien celui qui a envoyé sa copie le plus tôt passera en premier, c'est normal. Il y a un petit pool de nouvelles qui passent le premier stade, et qui sont au deuxième stade : il n'y en a pas beaucoup sur lesquelles j'hésite, au final dans 80 % des cas je les prends, sauf s'il y en a une autre dans la pile qui traite la même idée et s'avère plus aboutie. Il faut que je relise à tête reposée. Et à partir de là, le sommaire est fait.

MDLB : Comment s'effectue le choix de l'ordre des textes ?

TB : Oh là là ! Tout commence par une grosse consommation de Migralgine… Non sérieusement, c'est comme, je dirais, un opéra : il faut qu'il y ait des moments de détente, accepter les crescendo, qu'il y ait ensuite des plages plus calmes, des nouvelles humoristiques. Parfois, comme dans le Malpertuis III, j'ai choisi de commencer sur une nouvelle-choc, celle de Sylvain Lasjuilliaras qui, je trouvais, donnait un double coup de poing à l'estomac, en tous cas c'est comme ça que moi je l'ai reçue. D'autres fois par des nouvelles qui permettent d'entrer tranquillement dans l'anthologie, de s'installer avant de, boing ! prendre la grosse surprise puis le coup de poing dans l'estomac. Des fois, moi-même, je me demande comment je fais (rires). C'est l'instinct qui essaie de composer cette partition.

MDLB : Pour finir, avez-vous une anecdote particulière à partager ?

TB : En voici une : j'ai reçu un jour deux nouvelles qui étaient un peu longues, c'est toujours un peu rédhibitoire, mais il y avait un univers... Au fil de la lecture, ça donnait « oui… non… oui… non… oui… non… oui » au final non. J'ai envoyé un mot en disant « Désolé, ce n'est pas encore abouti, il y a encore besoin de peaufiner, mais il y a déjà quelque chose. Il faut travailler et surtout ne renoncez pas ». Et j'ai eu un grand moment de solitude quand j'ai reçu une réponse disant : « Oui, c'est gentil. J'ai tout le temps de m'améliorer, je n'ai que treize ans ».
Comme dirait Jimmy Guieu : « Petit un : authentique » [2].
Une recommandation : Malpertuis, ce n'est pas un concours ; si vous voulez avoir une réponse, étant donné que je suis très peu doué pour le marc de café, mettez votre nom et vos coordonnées sur la nouvelle, sinon vous n'avez pas beaucoup de chance d'avoir une réponse !

MDLB : Merci beaucoup !

TB : Merci à vous !


Notes :
[1] Et elle vous sera racontée !
[2] Habitude d'écriture de Jimmy Guieu (1926-2000), chroniqueur radio, auteur de SF et ufologue.

Liens :

lundi 10 novembre 2014

Les Intergalactiques - Table ronde La Volte fête ses 10 ans

Du 23 au 29 octobre a eu lieu la troisième édition des Intergalactiques, le festival de science-fiction de Lyon. Au menu, conférences, ateliers, animations, projections et rencontres autour d'un thème récurrent dans la SF. Cette année, l'écologie était à l'honneur.

Les Intergalactiques : La Volte fête ses 10 ans


2014 est aussi une année importante pour la maison d'édition fondée par Mathias Echenay et Alain Damasio : La Volte célèbre son dixième anniversaire et a choisi le cadre des Intergalactiques pour souffler ses bougies.

La Volte est une maison empreinte de liberté et de créativité.
La petite histoire (confirmée par les fondateurs) dit qu'elle a vu le jour pour un roman en mal d'amour : La Horde du Contrevent, d'Alain Damasio.
En 2004, Mathias Echenay, ami de longue date de l'auteur (ils se sont rencontrés à Lyon, au lycée Ampère), prend contact avec divers éditeurs pour ce livre et avoue ne pas trouver preneur. Vingt-trois narrateurs, ça effraie.
Damasio convainc alors Echenay de fonder La Volte.
Un auteur et un éditeur inconnus qui se lancent ensemble, personne n'y croit vraiment ; et pourtant, ça marche. C'est le début d'une grande aventure pour les deux créateurs, qui ne comptent plus leurs soirs et leurs weekends afin de bâtir ce nouvel espace de liberté. Dix ans plus tard, l'espace est toujours présent dans le paysage éditorial et a pris de l'ampleur.

Au fil du temps, des enthousiastes, qui se font appeler les « Voltés », ont rejoint le duo d'origine ; souvent attirés par l'œuvre de Damasio, ils ont apporté leurs compétences et leur amour de l'art pour mener des projets à bien : Thibaut Perol a d'abord travaillé sur une présentation numérique des personnages de La Horde avant de se retrouver à la direction pour le recueil Aucun Souvenir assez solide ; Emmanuel Gob a proposé une seconde version (plus optimisée) du fichier numérique de La Horde avant de programmer les versions numériques des ouvrages de la maison d'édition ; Eric Henninot planche quant à lui sur l'adaptation en bande dessinée du livre de Damasio... plusieurs croquis préparatoires et illustrations étaient d’ailleurs en exposition durant le festival des Intergalactiques.

La Volte bénéficie de ces énergies créatrices et donne souvent naissance à des œuvres multi-supports, à écouter, à regarder et à lire. La maison publie peu (seulement trois à cinq romans ou recueils de nouvelles par an) et mise sur une « approche d'artisans » pour à chaque fois offrir à ses lecteurs une expérience originale et riche en émotions.
La célébration de ses dix ans est de bon augure : le public, présent en masse pour l'évènement, est le signe que les maisons d'éditions indépendantes, atypiques, portées par des passionnés, ont encore de beaux jours devant elles.

Pour en savoir plus :

Merci à Lilie pour ce compte-rendu !

dimanche 9 novembre 2014

Les Intergalactiques - Table ronde lancement

Du 23 au 29 octobre a eu lieu la troisième édition des Intergalactiques, le festival de science-fiction de Lyon. Au menu, conférences, ateliers, animations, projections et rencontres autour d'un thème récurrent dans la SF. Cette année, l'écologie était à l'honneur.

Les Intergalactiques : Quand la science-fiction construit d'autres systèmes planétaires


Après une soirée d'ouverture dans un planétarium de la ville, le lancement des Intergalactiques est officialisé par une table ronde, le vendredi 24 octobre, au sein de la bibliothèque municipale de la Part-Dieu. Trois auteurs : Jean-Pierre Andrevon (Les Hommes-machines contre Gandahar, Le Monde enfin), Alain Damasio (La Zone du Dehors, La Horde du Contrevent) et Laurent Genefort (Omale, Alaet) ont discuté et débattu pendant près d'une heure trente autour de la construction d'univers et la conception d'une écologie en science-fiction. À l'animation, Jérôme Vincent, directeur des éditions Actusf.

« Comment imaginer des planètes ? Comment imaginer des univers et anticiper, concevoir la part écologique de chacun d'entre eux ? »
La table ronde débute par ces deux interrogations, fortes, qui donnent le ton pour cette troisième édition des Intergalactiques. Tout au long de l'évènement, il sera question de création artistique et d'écologie. Les trois auteurs invités se prêtent au jeu.
Alain Damasio explique comment il aime partir de façon abstraite, d'un concept simple (exemple : le mouvement, le vent pour La Horde du Contrevent) afin de développer tout un univers, le plus cohérent, le plus crédible, le plus réaliste possible. Grâce à une nouvelle, La Pluie de Ray Bradbury, il a compris qu'un élément pouvait à lui seul porter un récit et conduire un univers (avec sa faune, sa flore, son architecture, ses personnages).
Laurent Genefort, en tant que créateur de planet operas, aime partir de la création langagière, imaginer les relations et les interactions interespèces ; il cherche à s'échapper des références humaines, « terriennes » afin de bâtir des écosystèmes et des mondes foisonnants.
Quant à Jean-Pierre Andrevon, il revendique son attachement à la Terre et aux espèces qui s'y trouvent. Peintre avant d'être écrivain, il s'inspire d'images, de visuels. L'idée principale d'Hydra, une intrigue policière située sur une planète recouverte d'eau, lui est apparue au sortir d'un rêve. Gandahar et son monde sylvestre rappelle par certains côtés le Paradis terrestre.

Au-delà du plaisir de création que leur procure cette conception d'écosystèmes et d'univers, les trois auteurs s'accordent sur le fait que la science-fiction permet d'aller plus loin encore. Que ce soit pour dénoncer ou espérer, rendre compte des problèmes actuels ou extrapoler, établir une critique ou proposer des solutions différentes, nouvelles… Alain Damasio souligne que la science-fiction est parfaite afin d'appuyer le désir de révolution chez l'humain, le désir d'alternatives. Pour lui, les auteurs du genre ont cette responsabilité-là.
Selon Laurent Genefort, la science-fiction est devenue, au fil du temps, de plus en plus réaliste à mesure que la science est devenue de plus en plus spéculative. Aujourd'hui, les scientifiques invitent de plus en plus les auteurs à partager avec eux leurs visions du futur.
Une façon de légitimer la science-fiction et son rôle pour l'avenir : interroger l'humain et imaginer d'autres possibles pour un « mieux » commun, sociétal et écologique.

Liens :

Merci à Lilie pour ce compte-rendu !

lundi 27 octobre 2014

« Écrire… du bon pied ! » : Une masterclass avec Lionel Davoust


Dimanche 5 octobre, 10 heures.
C'était le dernier jour de la convention Octogônes à Lyon (http://www.octogones.org), consacrée au jeu et à l'imaginaire.
Lionel Davoust, auteur et rôliste de son propre aveu, donnait une masterclass d'écriture sur les lieux de l'évènement.
Les ateliers d'écriture animés par un écrivain SFFF, ça ne court pas (encore) les rues en France… Alors Tintama(r)re était présent au rendez-vous ! Petit compte-rendu de ce qui a été entendu.

Au lieu des deux heures prévues, la masterclass en a duré trois.
Lionel Davoust (L.D., ndlr) ne compte pas son temps lorsqu'il s'agit de parler écriture !
Dans la salle, il y a une bonne quinzaine de participants, pour la plupart débutants. Beaucoup se sont déjà essayés à l'écriture d'un premier roman SFFF sans forcément y parvenir. Ils sont venus écouter les conseils d'un auteur publié.
Et ça tombait bien, puisque la masterclass s'adressait tout particulièrement à eux.

© Mélanie Fazi


« Écrire pour soi… et écrire aussi pour les autres »

Dans son introduction, L.D. revient sur ce que signifie le métier d'écrivain.
Un écrivain, lorsqu'il souhaite être publié, écrit pour soi mais aussi pour les autres. L'auteur rappelle alors le fonctionnement de l'économie du livre en France. Il appuie sur l'importance des différents acteurs de la chaîne (« Sans auteur, pas de livre. Sans commercialisation, pas de public ! ») et sur le fait que, malgré les faiblesses relevées, l'édition à compte d'éditeur demeure aujourd'hui le meilleur système existant.

« Apprendre à écrire, c'est apprendre à se connaître »

La suite de l'atelier est consacrée à la technique.
Si la connaissance des codes narratifs est essentielle, L.D. admet qu'il n'y a pas de règle ou de recette toute faite à appliquer en matière de création. Le débutant doit d'abord apprendre à se connaître, déterminer quel auteur il est vraiment afin de se tourner vers les outils qui seront les plus à même de lui convenir : plutôt imaginaire ou « mainstream » ? Plutôt scriptural ou structurel (d'après la différenciation proposée par Francis Berthelot dans son livre Du rêve au roman) ?
Selon les réponses à ces questions, l'auteur en herbe suivra soit des pistes qui l'aideront à piloter à vue, d'une scène à l'autre, sans connaître la fin de son histoire (pour le scriptural) ; soit des pistes avec plans détaillés et imbriqués, fiches de personnage et une fin connue (pour le structurel).
En tant qu'auteur structurel, L.D. a suggéré plusieurs outils, tantôt analogiques (chemises cartonnées, post-its), tantôt numériques (logiciels de mindmapping, bloc-notes hiérarchiques comme Treepad ou Scrivener) afin d'organiser ses idées et son travail.

Le travail de l'écrivain est un exercice de funambule, entre juste usage des outils, préparation et lâcher-prise. Si l'inspiration est importante, la « trousse à outils » que représente la technique va donc l'être toute autant : c'est elle qui va permettre à l'auteur de cadrer ses envies, ses désirs, son foisonnement d'idées. L.D. cite Elizabeth George en soulignant que talent et passion ne sont rien sans la discipline, la « méthode » pour progresser en tant qu'auteur.
L.D. explique qu'il est aussi nécessaire de faire confiance à son instinct. « Le corps sait » lorsqu'une idée fonctionne : la persévérance est de mise, il faut creuser jusqu'à sentir cette pulsion personnelle qui nous fait dire qu'un choix est le bon.
Oui, le métier d'écrivain implique des exigences, des attentes et du travail.

« Mens-moi, mais fais ça bien »

Une fois que les idées bourgeonnent, que la trousse à outils adéquate se trouve à ses côtés, l'auteur doit alors bâtir la charpente de son histoire.
Élisabeth Vonarburg, dans son ouvrage Comment écrire des histoires, explique que l'auteur fait des choix d'emphase et d'élision pour donner cette illusion de la réalité. « Mens-moi, mais fais ça bien », cite L.D. La fiction, même si elle n'est qu'une fiction, doit « faire sens » pour le lecteur. La notion de « causalité narrative » est importante : toute cause entraîne une conséquence et, par ricochet, toute conséquence doit être étayée. L'exemple du fusil de Tchekhov est repris : l'histoire a besoin d'un fusil à l'acte III ? Il est alors nécessaire de l'insérer à l'acte I. Cette causalité narrative se travaille à différents niveaux (d'une phrase à l'autre, d'une scène à l'autre, sur l'ensemble du récit).

La cohérence est essentielle, tout autant qu'il est essentiel de « pousser [les lecteurs] à continuer de lire ».
Pour cela, il est nécessaire de savoir ce qui compte dans l'histoire : susciter l'attachement aux personnages, suivre (ou non) les attentes du genre, prendre soin du rythme et du suspense constituent des clefs de travail, pour que le lecteur se demande toujours ce qui arrivera ensuite.

« Une histoire, ce sont des volontés »

De plus, afin d'en construire la structure, il est essentiel de définir ce qu'est véritablement une histoire. Pour L.D., c'est un ensemble de volontés : volontés des personnages, volonté de l'histoire (discours, cohérence interne), volonté de l'auteur.
Ainsi, on entre dans une histoire à travers des personnages et leurs volontés. Par exemple, Bilbo dans Bilbo le Hobbit veut partir à l'aventure. Cette ou ces volontés vont alors rencontrer l'adversité ; s'ensuivra une résolution à travers des péripéties et l'atteinte du but (ou non) : on obtient alors là le cheminement symbolique de l'histoire. L.D. note aussi que la notion de conflit (narratif, et non pas « conflit » au sens large) est importante pour la construction de ce cheminement.

« La scène fait avancer l'intrigue »

En dernière partie d'atelier, L.D. a fourni quelques pistes pour la construction des scènes.
Des questions à se poser : « Que vivent les personnages ? », « Que savent-ils ? », « Où en est l'opposition ? », « Quel est le problème le plus pressant ? », « Quelle réponse unique lui apporter ? »… peuvent aider à bâtir la scène pour que celle-ci fasse avancer l'intrigue. Par l'application d'une volonté à une résistance, dans un décor intéressant, et en glissant (si possible) de l'inattendu pour le lecteur, la scène doit toujours permettre de faire évoluer l'histoire.
Dramatiser (mettre en scène, le connu show, don't tell), dominer le flux du récit (en choisissant quoi narrer, quoi omettre, en maîtrisant la tension narrative) ont fait partie des autres conseils promulgués durant la masterclass.

« Le travail est dur… mais n'oubliez pas le plaisir ! »

Ce qu'on retiendra, c'est l'importance d'apprendre à se connaître (trouver ce qui marche pour soi, construire son propre processus mais savoir en changer), d'être lecteur pour devenir auteur, et de trouver du plaisir dans l'écriture. L.D. a aussi souhaité rappeler les règles éditées par Robert A. Heinlein :
- Écris
- Finis ce que tu commences
- Évite de réécrire (sans fin, car il faut savoir passer à un autre projet)
- Place ton travail sur le marché
- Garde-l'y jusqu'à ce qu'un éditeur le prenne

Une belle conclusion pour une masterclass enrichissante. On en redemande !
À noter que Lionel Davoust tient un blog d'écrivain recelant une mine d'informations et de conseils sur l'écriture. Pour le consulter, c'est par ici : http://lioneldavoust.com

Merci à Lilie pour ce compte-rendu !

mercredi 22 octobre 2014

Le forum Mille-feuilles

Il était un petit navire...

Le fonctionnement de CoCyclics et l'intégralité des documents expliquant son fonctionnement sont sous licence Creative Commons, selon le contrat suivant : paternité, pas d'utilisation commerciale, partage à l'identique. Autrement dit, vous pouvez créer votre propre forum et site web fonctionnant à l'identique de CoCyclics et nous demander conseil, mais sans reprendre notre nom, par exemple pour offrir un espace de bêta-lecture à d'autres genres (le polar, la littérature dite "blanche", etc.).

C'est de là qu'est né un jour Co-Lecteurs, en 2011. En effet, CoCyclics se restreint aux genres de l'imaginaire. Or, il n'existait pas, à l'époque, de forum équivalent pour les autres genres. Le navire Co-Lecteurs s'est donc lancé sur une idée généreuse : ouvrir le principe à tous les genres, sans restriction.
Il a depuis fait peau neuve, laissant place à la gourmandise de son équipe de proue, en devenant le restaurant Les Mille-feuilles.

Vous y retrouverez les grands principes de la bêta-lecture, basée sur l'entraide, la réciprocité et l'échange. Le but est de permettre aux auteurs, quel que soit leur niveau et leur parcours, de progresser ensemble.

Ce qui fait l'originalité du resto ? Sa pluridisciplinarité, d'abord. Vous y trouverez aussi bien de la littérature générale que du polar, de la romance ou du fantastique. Cela permet aux cuistots de découvrir de nouveaux genres vers lesquels ils ne seraient peut-être pas venus spontanément. Des auteurs de tous horizons, au sens propre comme au sens figuré, ensuite. Enfin des challenges de tous poils, qui constituent la force majeure du resto.

J'ai déjà parlé à plusieurs reprises de resto : il faut savoir que, tout comme la mare aux grenouilles est le thème de CoCyclics, celui des Mille-feuilles est l'univers de la cuisine et de la pâtisserie. Cela se retrouve dans les statuts : cuistot, commis, pâtissier, saucier, gastronome, chef de cuisine... Mais aussi dans les noms des différentes sections de travail :
  • Avec "La main à la pâte", on travaille les romans. Extraits à bêta-lire, challenge premier jet (terminer le premier jet de son roman dans l'année), challenge correction (parce que boucler les corrections, c'est aussi difficile sinon plus que le premier jet!) et challenge édition (parce qu'une fois fini, il faut bien savoir ce qu'on en fait, du roman).
  • La "Préparation de la carte" permet de travailler les synopsis et les "Mignardises", des nouvelles.
  • Dans la "Bêta-dégustation", passage aux cycles complets des bêta-lectures de romans.
  • Une section parmi d'autres dont le nom me plaît bien : "Aux fourneaux" (challenge correction).

Enfin, la brigade du restaurant est à ce jour relativement réduite ; ceci, couplé à la vigilance de la modération, en fait un espace convivial où l'on connaît très vite tout le monde.
D'ailleurs, interrogés, les cuistots (commis, sauciers, etc) sont unanimes. Ce qu'ils aiment avant tout sur le forum, c'est l'ambiance (qui a dit les tournées de rhum ?). Taille humaine, petit village, convivialité, sont les mots qui reviennent le plus souvent. Humilité, entraide, encouragement aussi, qu'il s'agisse d'auteurs publiés ou de débutants. Confrontation des idées, comparaison des méthodes tout en restant respectueux de l'identité d'auteur de chacun. Et petits délires de temps en temps (parce que le rhum, ça monte à la tête, parfois...).

Si vous souhaitez visiter, le restaurant dispose ses tables à l'adresse :
http://millefeuilles.leforum.eu/index.php
Et bon appétit !

Merci à Kira pour l'article !

dimanche 12 octobre 2014

Rencontre avec Yves Lavandier - Partie 3

Suite et fin de la retranscription de la rencontre avec Yves Lavandier.
Partie 1 et Partie 2 disponibles ici et ici.




Truby [2] recommande de doter son personnage de défauts. Il va même jusqu'à suggérer que le protagoniste doit blesser les autres. N'est-ce pas périlleux en termes d'attachement ? Les défauts des héros sont-ils de vrais défauts, ou des prétextes, de petits défauts sympathiques pour nuancer vaguement son protagoniste ?

Yves Lavandier : Non, moi je pense que vous pouvez utiliser de vrais défauts, y compris moraux. Si c'est psychologique, on n'en voudra pas au personnage. « Oh le pauvre il est paresseux ». Mais si en plus il fait chier les autres, qu'il a un défaut moral, ça peut très bien marcher. Surtout si vous lui faites vivre du conflit, et que vous faites assez vite comprendre au lecteur que votre personnage a une chance de se transformer : l'une des fonctions magiques du récit, c'est de nous indiquer la voie pour grandir. Et avec un défaut moral, on va vous suivre tout de suite. Pour moi il n'y a aucun problème à présenter les défauts. Il y a plein d'exemples. Est-ce que vous avez vu un film qui s'appelle Thank you for smoking ? Le protagoniste principal n'est pas parfait, il empoisonne des milliers de gens avec le tabac ! Mais il est attachant. Il a un gros défaut moral. Et il a tellement d'emmerdes dans sa vie privée que moi j'accroche.


Est-ce qu'on ressent de l'empathie pour le salaud, ou bien on a envie qu'il ait des emmerdes ?

Yves Lavandier : Très bonne question. On a toujours envie de voir puni le méchant à un moment donné. Dans Thank you for smoking, je ne l'ai pas vécu comme ça. J'étais vraiment avec lui, j'avais envie qu'il s'en sorte. Alors que dans sa caractérisation, c'est quand même, par certains côtés, une ordure. Il est comme vous et moi, avec des bons et des mauvais côtés. Après, ça dépend pour qui vous écrivez.


Les suites : comment reconstruire un nouveau but quand le premier a été atteint dans le premier volume ?

Yves Lavandier : On en a parlé un peu tout à l'heure. Vous mettez un nœud dramatique dans le troisième acte et puis voilà. Ça appelle des conséquences, un nouvel objectif… C'est vraiment une difficulté ça (silence) ?


Si vous prenez Truby, vous avez un défaut moral. À la fin du récit, vous le surmontez ou pas. Le but a été atteint ou pas. Le personnage a évolué ou pas. Mais comment de nouveau susciter l'envie d'évoluer ou de grandir alors que le protagoniste principal a déjà grandi ou échoué dans le premier volet ?

Yves Lavandier : Alors en général, quand on fait une suite, c'est qu'il y a une chose qui n'a pas été résolue dans l'évolution du personnage. Je pense qu'il n'a pas grandi. Ou alors la suite est un remake comme Rocky II, Rambo II… Dans une série télé comme Breaking Bad, d'une saison à l'autre, pour moi le protagoniste principal n'évolue pas.


La question qui tue : quels seraient vos premiers conseils à de jeunes auteurs qui veulent écrire un roman ou un scénario ?

Yves Lavandier : Le dernier conseil que j'ai noté c'est : lire et relire Comment ne pas écrire des histoires d'Yves Meynard. C'est vachement bien, je suis d'accord avec 90% de ce qu'il dit. Yves Meynard est un Canadien qui a écrit plein de romans relevant de l'imaginaire, il a été directeur littéraire de la revue Solaris pendant 5 ou 6 ans et a reçu plein de manuscrits. D'ailleurs, quand on le lit on se dit « oh le pauvre, qu'est-ce qu'il a du dérouiller », c'est très drôle. Il raconte que beaucoup d'auteurs font trop confiance aux idées géniales d'arènes extraordinaires et à leur imagination, au détriment de la structure, du style, de l'humanité et de la caractérisation des personnages. Donc l'imaginaire, oui, mais moi, perso, ce que je préfère dans le genre qui vous intéresse, c'est quand ça me dit quelque chose sur la nature humaine. J'aime quand ça me distrait, c'est la première règle, mais aussi quand ça me dit quelque chose. C'est pour ça que j'adore les métaphores, qui sont une grande spécialité anglo-saxonne. Les métaphores narratives.


Qu'est-ce que vous appelez « la métaphore narrative » ?

Yves Lavandier : C'est quand vous utilisez une métaphore pour dire un truc sur la nature humaine. Quand Woody Allen raconte l'histoire d'un homme-caméléon dans Zelig, un faux documentaire, il ne raconte pas l'histoire d'un homme-caméléon. Il raconte sous forme métaphorique comment certains individus en manque de confiance font tout pour adopter les idées et les manières des gens qui les entourent afin de se fondre dans le microcosme. D'ailleurs Woody Allen a déclaré que c'est ce qui l'avait motivé à réaliser Zelig. Se foutre de la gueule de ces gens-là.


Comment doit-on exploiter le fait que le lecteur connaisse les personnages ? S'attendre à les retrouver demande du renouvellement ?

Yves Lavandier : Certains éléments vont rester constants. Vous ne changez pas la caractérisation du capitaine Haddock d'un roman à l'autre mais en revanche vous changez l'arène, l'objectif, la nature des obstacles, etc. Et encore, Haddock n'est pas un très bon exemple car, et c'est typique d'Hergé, Haddock apparait dans Le Crabe aux pinces d'or. Or il n'a pas tout à fait la même caractérisation que dans tous les albums qui vont suivre. Il est pitoyable, victime. Mais une fois que Hergé a trouvé son personnage, là ça devient une constante. Il y a un autre truc que vous pouvez garder constant : c'est le sujet. Si vous écrivez le scénario de Rocky II, ça ne peut pas être l'histoire de Rocky qui apprend le piano (rires). Les gens veulent forcément voir un match de boxe. Pour moi Rocky II n'est pas une suite, c'est un remake. Comme dans un épisode de sitcom, on répète le même principe.


Comment gérer la tension dans tout le second acte, le « risque de ventre mou » ?

Yves Lavandier : C'est une bonne question car c'est vrai que c'est l'une des grandes difficultés de notre métier. Moi je dirais : climax médian et ironie dramatique. Grosse ironie dramatique (rires).


Est-ce qu'on peut faire des pauses dans l'intrigue principale sur des œuvres longues en mettant par exemple en avant les intrigues secondaires ?

Yves Lavandier : La question que je me pose toujours, comme pour le conflit, c'est « quel est l'intérêt d'avoir une intrigue secondaire » ? Je ne dis pas qu'il n'y en a pas. Il n'y a pas de réponse, mais je me pose toujours la question. C'est vrai que j'ai du mal, et je pense que c'est un défaut, à m'intéresser à d'autres personnages que le protagoniste auquel je m'identifie. Donc je ne me fais pas chier avec des intrigues secondaires. Je trouve que la grande qualité d'une intrigue secondaire, c'est de dire, d'un point de vue presque philosophique, que le monde n'est pas fait que de l'action de mon protagoniste. Il y a d'autres personnages et d'autres actions qui l'entourent. C'est une façon de ne pas être égocentré. Un autre intérêt, c'est de décliner un thème. Shakespeare le fait magnifiquement dans Le Roi Lear, il y a l'intrigue principale avec le roi Lear et ses filles, et l'intrigue secondaire avec Gloucester qui a deux fils, et des ennuis avec son fils bâtard. Donc il y a un parallèle thématique, et en plus de ça l'intrigue secondaire finit par avoir des répercussions sur l'intrigue principale. Parfois une intrigue secondaire pose des gros problèmes. Je ne sais pas si vous vous souvenez, dans Le Goût des autres, il y a une intrigue principale que je trouve savoureuse, c'est celle de Jean-Pierre Bacri qui veut être aimé de la chanteuse d'opéra. Et à côté de ça, une intrigue secondaire mal structurée avec Lanvin, Chabat et Jaoui. Le risque, c'est de passer à une intrigue plus faible. Si une intrigue secondaire a pour but de remplir, faites une nouvelle !




Quels sont les livres qui vous ont le plus impressionné dans leur construction ?

Yves Lavandier : Ce que vous appelez construction, c'est structure ou quelque chose de plus ?


La structure narrative…

Yves Lavandier : Dommage ! (rires). Pour moi, la structure c'est quelque chose d'assez simple. On revient à la structure en trois actes. Je ne dis pas que le travail de structure est facile. Parce que mettre trois actes, un incident déclencheur et un climax c'est facile. Le vrai travail de structure, c'est un travail de préparation-paiement [3], et ça c'est du boulot. Mais c'est quand même assez simple. Si je dois vous répondre sur les œuvres qui me bluffent du point de vue structurel, aucun roman ne m'impressionne. Alors qu'en films, je citerais Toy Story, La Mort aux trousses, To be or not to be, La Garçonnière, Retour vers le futur, parce que ce sont des festivals de préparation-paiement. Tout est hyper organique, tout paie. Si vous changez un élément, ça n'a plus de sens, ça ne tient plus la route. Mais pour moi la construction, c'est plus que ça. C'est le choix de la structure, mais aussi de la forme, des personnages, pour raconter une histoire. Un exemple tout bête : dans 21 grammes, l'incident déclencheur c'est un accident de voiture dans lequel un homme meurt. Si mes souvenirs sont bons, ses deux filles sont à l'hôpital. On va suivre sa femme, Naomi Watts, la mère des deux filles. Le cœur de la victime va être transplanté chez un homme, Sean Penn, qui a fait une demande d'organe. Et on va suivre l'auteur de l'accident, Benicio del Toro. Un film choral, avec trois personnages qui sont tous liés à l'accident de voiture. Le scénariste Guillermo Arriaga a logiquement écrit dans l'ordre. Ensuite il se retrouve avec 60 scènes. Il les découpe en 4 parties. Donc il se retrouve avec 240 bouts de scènes. Il les met dans un chapeau et puis il tire au hasard. Et il explose complètement son récit à la manière d'un puzzle, c'est le bordel… mais pas tout à fait. Il se trouve que l'essentiel de l'incident déclencheur, l'accident de voiture, se trouve au bout de 15-20 minutes dans le film. Et l'essentiel du climax se trouve… 5 minutes avant la fin. Donc la construction est folle, unique, originale, mais la structure est toujours la même ! C'est toujours mes 3 actes. Dans En attendant Godot la construction est assez originale mais la structure, c'est 3 actes.


Et Magnolia ?

Yves Lavandier : Magnolia, c'est choral. Magnolia… on n'a pas le temps (rire général). Bref, les livres qui m'ont impressionné dans leur construction : Fondation d'Isaac Asimov, tout le monde connaît. Je trouve ça génial. Un truc que je trouve sublime : Asimov fait des ellipses monumentales sur des siècles, et pourtant il y a une unité d'action, c'est toujours la même histoire. C'est assez fascinant. Les liaisons dangereuses, parce que ça raconte une histoire assez simple très cruelle, très cynique, mais d'une façon hyper originale. Le meurtre de Roger Ackroyd d'Agatha Christie, je ne vous en dirais pas plus, ceux qui connaissent savent de quoi je parle. Dans la série Blueberry, le cycle du cheval de fer et le cycle du trésor des confédérés. Je trouve que c'est ce que Charlier a fait de plus sublime. C'est l'Alexandre Dumas de la bande dessinée. Ces deux cycles-là, c'est 24 heures chrono au Texas en 1870… Incroyable ! Et il a bien compris comment justifier les deus ex machina, c'est fascinant. J'ai aussi bien aimé Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban, en partie parce qu'il y a une histoire de voyage dans le temps, et je trouve que ça paie bien, l'histoire du manteau. Et Le Cercle de la croix, un roman de Ian Pears, qui date de 1997, une espèce de thriller moyenâgeux. On suit un personnage, une première histoire, ensuite un autre personnage mais c'est la même histoire racontée sous un autre angle. Et l'auteur fait ça quatre fois. C'est « l'effet Rashômon ».[4]

Pour revenir à la question qui tue « quels seraient vos premiers conseils à de jeunes auteurs qui veulent écrire un roman ou un scénario », les conseils que je vais vous donner s'adressent à tous les auteurs, jeunes ou vieux.
  • D'abord, écrire-écrire-écrire… Il y a un auteur américain qui disait « beaucoup d'aspirants écrivains passent du temps à aspirer et très peu à écrire ». (rires) C'est vrai. Si vous êtes aspirants écrivains il faut écrire.
  • Tenir compte du récepteur.
  • Être authentique, pas chercher à copier la mode, pas chercher à plaire aux critiques littéraires etc. Ne pas être dans la posture.
  • Mettre du conflit dynamique.
  • Réécrire. Vous savez que ce ne sont pas les américains qui ont inventé ça ? C'est Boileau. « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ».
  • Faire lire, mais ce n'est pas à vous que je vais dire ça (rires). Faire bêta-lire, pourrait-on dire… J'ai compris que vous étiez des experts.
  • Entendre les retours, là aussi je pense que vous vous débrouillez pas mal. Et je vous félicite d'ailleurs, j'étais assez admiratif de ce qu'on m'a raconté sur les Tremplins de l'Imaginaire.
  • Et lire et relire Comment ne pas écrire des histoires. (rires) J'ai presque envie de dire que c'est aussi utile que La Dramaturgie, Truby, et compagnie. ».

Notes :
[2] John Truby est l'un des plus grands script doctors au monde, il a écrit un ouvrage célèbre, L'Anatomie du scénario.
[3] En dramaturgie, la préparation-paiement est le fait d'utiliser un élément de l'intrigue à un moment pour s'en servir plus tard dans le récit.
[4] Rashômon est un célèbre film japonais réalisé par Akira Kurosawa, sorti en 1950. Dans le long-métrage quatre personnages différents racontent chacun leur version d'un crime.


La rencontre s'est terminée comme elle a commencé, dans la bonne humeur. Un grand merci à Yves Lavandier pour sa disponibilité, ainsi qu'aux grenouilles pour leurs pertinentes questions !


Retranscription par Jean-Sébastien Guillermou (Sycophante), relecture par Silvie Philippart de Foy (Garulfo) et Hatsh, et correction par Aurélie Wellenstein (Arya).

jeudi 9 octobre 2014

Rencontre avec Yves Lavandier - Partie 2

Suite de la retranscription de la rencontre avec Yves Lavandier en mai 2014.
La partie 1 est disponible ici.




Dans un roman, l'ironie dramatique diffuse doit-elle être privilégiée ?

Yves Lavandier : Tout le monde voit ce qu'est l'ironie dramatique diffuse ? L'ironie dramatique, c'est quand le spectateur a une information qu'un des personnages n'a pas. Exemple : nous savons que c'est Cyrano qui écrit les lettres, Roxane l'ignore. L'ironie dramatique diffuse, c'est quand le spectateur le sent, et non le sait. C'est plus… diffus ! Les bons auteurs jouent avec ça. Mais ce n'est pas installé par l'auteur comme une certitude. Exemple : la première scène d'Inglourious Basterds. Un nazi demande à un paysan s'il ne cache pas des Juifs. Au début le paysan nie. Mais il n'a pas l'air très à l'aise. Enfin en même temps, si j'avais Christoph Waltz en nazi en face de moi je ne le serais pas non plus (rires). Et puis au milieu de la scène, on passe sous le plancher via un travelling et on voit quatre ou cinq Juifs dissimulés. Tarantino passe d'une ironie dramatique diffuse à une ironie dramatique lourde. Donc je ne pense pas que l'ironie dramatique diffuse doit être privilégiée. Vous pouvez aussi mettre de l'ironie dramatique lourde dans vos romans. J'ai plein d'exemples : dans Le Comte de Monte-Cristo je crois qu'il y a beaucoup d'ironie dramatique lourde. On sait que le comte est Edmond Dantès, on connaît ses motivations, il y a beaucoup de personnages qui l'ignorent. Si mes souvenirs sont bons, Dantès se déguise en plein de personnages. Dans 1984, on sait que Winston écrit un journal et Big Brother l'ignore. Winston a une aventure sentimentale avec Julia dans des circonstances clandestines. Moi je trouve ça intéressant que les victimes de l'ironie dramatique, en l'occurrence les méchants et non les protagonistes, soient invisibles. Il s'agit d'une menace qu'on ne voit pas. Dans Prison Break ou la Grande Évasion, la victime type de l'ironie dramatique c'est également « le méchant », l'opposant principal. Pour en revenir à la question, la personne qui l'a posée laisse entendre qu'il n'y a pas d'ironie dramatique lourde dans les romans. Et Le Journal d'Anne Franck ? Je ne vous fais pas un dessin, il y a une grosse ironie dramatique. Dans toute la première moitié de Lolita on sait que Humbert est amoureux de Lolita et pas de sa mère. Dans Don Quichotte, on sait que les châteaux sont des auberges, que les géants sont des moulins à vent, Don Quichotte l'ignore. Dans Madame Bovary, Charles, le mari d'Emma, ignore que sa femme a des amants. Je ne me souviens plus si c'est résolu. Chez Homère, le cheval de Troie, le cyclope, la toile de Pénélope, c'est aussi de l'ironie dramatique. Dans Crime et Châtiment, un personnage assassine deux vieilles dames et tout le monde l'ignore. Alors allez-y sur l'ironie dramatique, laissez-vous aller, ayez la main lourde ! L'ironie dramatique est un mécanisme vraiment passionnant parce que, contrairement à tous les autres mécanismes qui découlent du conflit, elle vient du mode de réception du récit. Lorsque nous vivons une histoire réelle, nous ne sommes pas dans l'ironie dramatique, parce que nous n'avons pas de recul. Mais dès que vous racontez une histoire à un lecteur, ou à un spectateur, et qu'il a du recul, aussitôt cette distance crée de l'ironie dramatique, diffuse ou lourde.


L'idée c'est donc qu'il faut informer le lecteur…

Yves Lavandier : Ah oui ! Pour l'intéresser, pour le faire participer. Certains auteurs, par manque de confiance, ont peur de donner trop d'infos, de tout livrer, qu'il n'y ait plus de surprise.


Est-ce que l'ironie dramatique est forcément en opposition avec le mystère ? Dans son livre sur l'écriture de scénario, Jean-Marie Roth en parle comme des outils différents, voir complémentaires.

Yves Lavandier : Oui, on peut mélanger.


Est-ce qu'on ne peut pas assimiler le mystère à de l'ironie dramatique diffuse ?

Yves Lavandier : Non. Le mystère, c'est dire « il vous manque une information, mais je ne vous dirai pas laquelle ». Parfois, dans un scénario, il n'y a pas de mystère du tout. Alors, bien sûr, il vous manque la réponse dramatique, vous ne savez pas comment ça se termine. Mais sinon, le personnage cherche à atteindre un objectif, il y a un obstacle et vous prenez ça pour la réalité fictive. Soudain, coup de théâtre, surprise : ce n'est pas du tout ce qu'on croyait ! Ce n'est pas parce qu'il y avait du mystère, mais parce qu'il y avait une fausse piste. C'est-à-dire que vous avez fait croire que vous disiez tout et que c'était vrai.


Comment appelle-t-on l'ironie dramatique dans laquelle on donne sciemment des fausses informations au lecteur ? Ce n'est pas de l'ironie dramatique…

Yves Lavandier : Non, ce sont de fausses pistes. Cela peut être de la triche, mais pas nécessairement. Dans Le Limier, un écrivain invite l'amant de sa femme pour lui dire « je sais que vous couchez avec ma femme, ça ne me dérange pas. Mais elle a envie d'aller vivre avec vous et ce que vous ne savez pas, c'est qu'elle est très vénale. Or moi je n'ai pas envie qu'elle revienne (rires). Donc, je vais vous financer pour que vous me débarrassiez de ma femme une bonne fois pour toutes ». Le coiffeur est un peu étonné : il doit voler des bijoux, tandis que le mari obtiendra l'argent de l'assurance. Au bout de vingt-vingt-cinq minutes, coup de théâtre : on se rend compte que les motivations de l'écrivain ne sont pas tout à fait conformes à ce qu'il vient de raconter. Mais il n'y a pas de triche ! Ce n'est pas l'auteur qui ment au spectateur, c'est l'un des personnages qui ment à l'autre personnage. Donc ça marche très bien. Il n'y a pas de mystère. C'est une fausse piste. Et puis ça rebondit après, car il y a sept coups de théâtre en tout dans la pièce. Il y a plein d'œuvres qui mélangent ironie dramatique, surprise et fausses pistes comme Psychose ou La Mort aux trousses. Mais j'ai tendance à penser que l'ironie dramatique et la surprise sont des outils plus efficaces et plus intéressants que le mystère.


Pensez-vous que le cinéma influence le romancier dans son écriture ? Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?

Yves Lavandier : Je ne vois pas en quoi ce serait une mauvaise chose. On est tous influencés par le cinéma mais aussi, plus généralement, par la vie. C'est une qualité que tous les auteurs ont : être des éponges, absorber, avoir l'œil.Ce qui est mauvais, et ça m'est arrivé quand j'étais plus jeune : sortir d'un film qui m'avait emballé, un Jacques Tati, et avoir envie de faire la même chose. C'est une erreur énorme parce que vous y perdrez votre âme. Mais c'est humain. Le plus terrible, c'est suivre la mode. On devient un artiste le jour où on n'a plus envie d'imiter ses aînés mais de faire mieux qu'eux. Ou de faire différent. De faire œuvre personnelle.

Il y a quand même un truc avec les principes fondamentaux aussi bien chez les Grecs, que chez les Chinois, à toutes les époques, dans tous les pays. Vous savez qu'il existe une version chinoise de Cendrillon ? En ce qui concerne l'ironie dramatique diffuse, un enfant, même chinois, devine que les deux sœurs n'arriveront pas à rentrer dans la pantoufle.


En ce qui concerne ces principes anciens, le deus ex machina était admis, voir même souhaité dans l'histoire…

Yves Lavandier (catégorique) : Non, non… Dans Iphigénie, les vrais dieux débarquent au troisième acte. Mais dès qu'on n'est pas dans une culture de ce type, il faut oublier les deus ex machinae. Dans plein de pièces grecques, il n'y a pas de deus ex machina. Aristote dit clairement que toute solution qui ne vient pas du personnage est à bannir ! Aristote l'écrit. Ces principes fondamentaux, je les vois depuis l'Antiquité, je les vois sur toute la planète. Au théâtre. Quand la radio et le cinéma sont arrivés, cela n'a pas changé.




Comment appliquer le show don't tell dans un roman ? Présente-t-il des limites ? Dans La Dramaturgie, j'ai le sentiment que le show, don't tell était appliqué à la caractérisation. Dans le roman, nous avons tendance à l'étendre à tout, et notamment aux émotions. Ne jamais décrire « Martin a peur », mais décrire « les battements affolés de son cœur »…

Yves Lavandier : Moi je préfère « Martin a peur » ! (Rire général).


N'a y-t-il pas un risque de lourdeur ?

Yves Lavandier : En fait le show, don't tell vaut bien sûr pour la caractérisation, mais pas seulement. Il vaut pour tout. Il vaut en dramaturgie, en littérature. Exemple : celui de Tweener dans Prison Break. Dans la première saison, Michael Scofield vient voir un nouveau prisonnier. « On m'a dit que tu étais un expert pickpocket ». Et Tweener répond « ouais, c'est possible ». Si on s'arrête à ça, les choses sont dites. On vient de dire que Tweener est un super pickpocket mais on ne l'a pas montré. La logique voudrait que pour le montrer, on voit Tweener en train de voler quelque chose, or ce n'est pas ce qui se passe. Michael Scofield dit à Tweener : « j'ai besoin de récupérer une montre sur le poignet d'un gardien ». Tweener répond : « quel type de montre ? ». C'est que du dialogue ! Scofield réplique « quelle importance ! ». Tweener s'explique : « j'ai besoin de connaître le type de montre, il y a des fermoirs plus ou moins difficiles à voler. Quelle marque ? » C'est que du dialogue. On pourrait dire que les choses sont dîtes, mais pour moi elles sont montrées.

Un autre exemple : le court-métrage Avant que de tout perdre. Cela commence par du mystère. Une femme jouée par Léa Drucker passe chercher ses enfants à l'école. Ils ont tous l'air très motivés, très sérieux. Et ils se retrouvent dans un supermarché dans lequel travaille la protagoniste (elle est caissière). Au bout de cinq, dix minutes, on comprend que leur objectif est de quitter la ville. Parce que le mari est hyper violent et qu'elle n'en peut plus. La seule solution pour elle, c'est de se barrer sans qu'il le sache. Beaucoup de gens disent, à propos de ce court-métrage, que les choses ne sont pas montrées. Parce qu'en effet, à aucun moment dans le film on ne voit le père (joué par le paysan… d'Inglourious Basterds !), frapper sa femme. En vérité, la violence conjugale est montrée de cinq façons différentes ! La détermination des protagonistes, les visages pleins de compassion des collègues, les cris du gamin quand il apprend que le père vient d'arriver au supermarché, la gueule du père qui n'a pas l'air de rigoler, et les hématomes sur le corps de la protagoniste. Donc les choses sont montrées, pas de façon évidente, mais moi j'appelle ça « montrer les choses ». Pour moi la violence conjugale est montrée. Mais pas comme on s'y attend. Pour en revenir à la question, écrire « Martin a peur », ça peut marcher. Mais si j'étais à votre place je me dirais « bon, Martin a peur, mais qu'est-ce que ça lui fait faire ? ». De la transpiration, d'accord. Rien que ce détail peut montrer que Martin a peur. Mais souvent, quand on a peur, on ne se contente pas de transpirer. C'est d'ailleurs une question qu'on se pose en tant que scénariste. La solution pour le show, don't tell, et c'est assez difficile, c'est de se mettre à la place de chaque personnage. On a tendance à se mettre à la place de son protagoniste auquel on veut que le lecteur/spectateur s'identifie. Mettez-vous aussi dans la tête de l'opposant principal, du sidekick, du chauffeur de taxi. Si vous vous mettez dans la tête, dans le cœur, dans les tripes de Martin, et qu'il a peur, il ne va pas siffloter… Ou alors si ! Il va siffloter justement. Pour cacher sa peur, par exemple. Il va siffloter faux.


La structure en trois actes : jusqu'où utiliser une structure en trois étapes ?

Yves Lavandier : Pour moi, c'est hyper simple. Un avant, un pendant, un après. Exemple : l'affaire DSK, la catastrophe minière en Turquie… La vie est une accumulation de structures en trois actes, fractale. Je trouve ça assez utile pour écrire. Le climax est forcément dans le pendant. Ça ne peut pas être dans l'après. Maintenant, c'est une question de définition, peu importe. Ce qui compte, c'est que vous adoptiez la méthode qui vous aide. Je ne cherche pas avoir raison sur ce sujet. Il y a quand même un élément où je trouve ma définition utile. Dans ma définition, on est dans le deuxième acte tant que le protagoniste n'a pas atteint son objectif. C'est aussi simple que ça. Ça veut dire que non seulement il ne l'a pas atteint, mais qu'en plus il ne l'a pas abandonné, c'est hyper important. C'est une différence fondamentale avec un protagoniste qui n'a pas atteint son objectif, mais qui essaie toujours. À l'issue du climax, on doit comprendre que soit le personnage a atteint son objectif, et alors c'est réglé, soit il ne l'a toujours pas atteint, et cette fois-ci il l'abandonne.


Et s'il ne l'abandonne pas ? Il y a des fins ouvertes, du coup…

Yves Lavandier : C'est mal écrit ça ! (rire général)


Il y a plein de films comme ça…

Yves Lavandier : Ça dépend. Exemple : la pièce de théâtre En attendant Godot. Le protagoniste cherche à voir Godot. C'est une pièce de Beckett en deux grands actes. À la fin de la première moitié, au climax médian, un gamin arrive et dit : « Godot ne viendra pas ». Et les personnages décident de revenir le lendemain pour l'attendre. Rideau, on rouvre la scène avec le même décor, et ils se mettent à vivre la même chose. Qu'est-ce qu'on commence à comprendre ? Que les personnages sont là depuis une éternité, et que Godot ne viendra jamais. Rideau, la pièce est terminée. Les personnages n'abandonnent pas leur objectif, mais nous on l'abandonne pour eux. Ce cas de figure est quand même exceptionnel. Les règles devraient être assez souples pour faire du Tchekhov, du Richard Matheson, d'avoir un troisième acte un peu plus long comme celui des Lumières de la ville, de Casablanca… Le troisième acte de Cyrano Bergerac est plus long que celui de Hamlet parce qu'il y a encore des choses à résoudre. L'action est terminée, mais il y a des ironies dramatiques, ou une nouvelle action. C'est normal, c'est légitime…


Donc le troisième acte est super court ?

Yves Lavandier : Il y a des œuvres où il est hyper court. Chez Shakespeare il est toujours hyper court. Pourtant, il a des pièces de quatre heures. En fait je vous propose deux règles : avant l'objectif, pendant l'objectif, et après l'objectif, c'est pas compliqué. Mettez-vous à la place du spectateur. Il est bien installé, et il a envie d'entendre « il était une fois »… et il frémit d'avance. Il est bien disposé. S'il n'est pas cynique, il espère que ça va être bien raconté. Mais sa patience a des limites. Il n'a pas trop envie que vous passiez des heures à préparer votre histoire. Il a envie d'entendre « un jour,... », de savoir quel est l'incident déclencheur. Et après l'incident déclencheur, le personnage, dont on a cassé la routine de vie, se décide à faire quelque chose. C'est ça la durée du premier acte. Selon ce que vous racontez, si vous avez plein de personnages et de décors à introduire, ça va prendre plus ou moins de temps. Le premier acte d'Alien est très très long. Ensuite vient l'action. Vous terminez l'action : il n'y a plus de suspens. Vous avez répondu à la question dramatique, c'est fini. Vous croyez que le spectateur a encore envie de rester une demi-heure ? Lorsque le troisième acte commence, il y a des gens qui regardent où sont leurs sacs et leurs manteaux. C'est humain. Or si vous installez une grosse ironie dramatique, genre Roxane ignore toujours que Cyrano écrit les lettres, les gens voient bien que le deuxième acte est terminé. Mais ils ne regardent pas leurs sacs. Parce que les humains ont les mécanismes du récit à l'esprit de façon inconsciente. Ils savent qu'il y a un truc à résoudre. Ils vont attendre, mais bon, ils ne vont pas attendre trois plombes. Tout dépend de votre histoire, de ce qui a besoin d'être résolu… Oubliez les dogmes.


À partir de quand peut-on s'autoriser à sortir de la structure en trois actes ?

Yves Lavandier : Réponse : jamais ! (rire général). Je pense que les auteurs ont non seulement besoin d'un Anneau unique, mais d'un Anneau unique très simple, facile à appliquer (rire général). Que ce soit avec mon livre, ou celui de Truby, dites-vous qu'il n'y a pas d'Anneau unique, que ce ne sera pas parfait. Faites votre deuil de ça.


On est venus pour rien ! (Rire général)

Yves Lavandier : Si vous repartez avec l'idée qu'il n'y a pas d'Anneau unique, c'est déjà énorme !


Rendez-vous pour la fin de la rencontre le 12 octobre !