jeudi 27 février 2014

Rencontre avec Vanessa Terral et Cécile Guillot

Tintamar(r)e continue les interviews croisées entre un éditeur et un auteur, avec cette fois-ci une belle rencontre entre Vanessa Terral, auteure de "L'aube de la guerrière" et Cécile Guillot, éditrice aux éditions du chat noir.

Après avoir passé son enfance en Provence et vécu une dizaine d'années en région parisienne, Vanessa Terral réside actuellement à Toulouse. Elle a à son actif une cinquantaine de nouvelles publiées dans divers fanzines et anthologies. Son premier roman, "L'Aube de la Guerrière", a été publié en 2012 aux éditions du Chat Noir.


Bonjour Vanessa, merci d'avoir accepté de nous répondre.

Merci à toi et à CoCyclics de m'accueillir dans ce Tintamar(r)e !
Tu as écrit une cinquantaine de nouvelles avant "L'Aube de la Guerrière". L'envie d'écrire un roman était-elle présente depuis longtemps ?
Cette envie est venue au moment où elle le devait. Quand j'ai commencé, j'écrivais de tout petits textes, de l'ordre de quatre ou cinq pages. Puis mes nouvelles se sont mises à grandir. Lors d'un AT pour les éditions Argemmios, j'ai dépassé les 70 000 cec. Ça ne m'était jamais arrivé et le texte avait filé si facilement… Bien au-delà de la limite, à dire vrai. *rires* J'ai écrit encore un ou deux textes de cette longueur et voyant que j'étais à l'aise dans le déroulement et l'entrecroisement des intrigues, j'ai envisagé de passer au roman.

Pourquoi avoir voulu reprendre les codes de la bit-lit ?
En fait, j'appliquais déjà ces codes dans la plupart des récits que j'écrivais. Je n'ai eu qu'à rajouter la narration à la première personne, qui ne m'était pas venue à l'idée. Après quelques années de pratique, je dois dire que je prends plaisir à faire s'exprimer mes personnages en "je" – ce qui ne m'empêche pas de revenir à la narration à la troisième personne de temps en temps, de la même façon que je n'écris pas que de la bit-lit. D'ailleurs, en parlant de ça, je tiens à préciser que jusqu'à maintenant, mes codes sont ceux de la partie "urban fantasy" (ce que j'appelle "contemporain occulte") de la bit-lit. Je commence doucement à m'intéresser à la romance paranormale, mais elle restera minoritaire. J'écrivais déjà de l'urban fantasy à héroïne féminine avant que la bit-lit soit inventée en France et je continuerai un bon moment encore.

Toi qui étais si habituée aux nouvelles, comment s'est passé le processus d'écriture ? C'était looooooong! XD
J'ai dû apprendre à prendre des notes, à avoir un déroulé. Jusque-là, le scénario tenait dans ma tête, avec les légendes et les mythes de référence, les inspirations d'ambiance ou de personnages. Je me suis mise à écrire les détails que je ne voulais surtout pas oublier quelques lignes au-dessous du texte à proprement parler, pour les garder à l'esprit. Des choses du style: "Elle a perdu une de ses deux épées", ou "Elle porte tels vêtements", "Il a telle blessure". Il y a aussi eu les moments de découragement, ceux où je perdais le "feu sacré". J'ai dû mettre en place de nouvelles stratégies et découvrir ce qui nourrit ma création sur le long terme, et pas seulement le temps d'une flambée façon feu-follet. J'ai retrouvé ces difficultés sur "Cinq pas sous terre". J'ai l'impression que je mûris doucement dans ce domaine : l'écriture du roman sur lequel je bosse actuellement se fait de façon un peu plus détendue.
Pour celui-ci, je bénéficie de l'aide d'une amie qui m'encourage au jour le jour, et franchement, c'est très précieux. C'est un des points dont je ne soupçonnais pas l'importance – pour l'auteure que je suis, en tout cas: le moral. Avoir une personne qui est là pour motiver, qui s'intéresse, qui envoie un petit mot chaque jour ou presque, c'est inestimable. Du coup, j'en profite pour remercier et saluer Célia! ;-)
Déjà, pour "L'Aube de la Guerrière" et "Cinq pas sous terre", j'ai eu la chance d'être lue et corrigée à chaque chapitre par Jessica, une autre amie qui m'aide et me soutient depuis quelques années. Elle continue avec le projet actuel et j'éprouve beaucoup de gratitude pour sa présence constante. Même lorsqu'elle est occupée, elle trouve un moment pour me faire son retour. Finalement, quelque part, j'envisage le boulot d'auteur comme un travail d'équipe puisque leurs encouragements se retrouvent dans la qualité de l'œuvre finale et améliorent mon efficacité.

Connaissais-tu Cécile Guillot des éditions du Chat noir avant de lui envoyer ton manuscrit ? Peux-tu nous parler de votre première rencontre ?
Houlà, avec Cécile, c'est une longue histoire! Je pense que nous nous somme rencontrées grâce à son webzine "Le Royaume des fées". Je lui ai proposé un texte – la première aventure d'Hélianthe, inventée spécialement pour l'occasion – qu'elle a aimé et publié. Peu de temps après, elle a envoyé des illustrations pour les fanzines de Transition, notamment quelques images tellement réussies qu'elles ont fini en couvertures. Nous avons ainsi participé l'une et l'autre à nos créations respectives, comme "Les Soupirs de Ligeia", un fanzine qu'elle a créé avant de s'atteler aux éditions du Chat noir. Cécile a également lancé l'idée des Enfants de Walpurgis, un collectif d'auteurs francophones spécialisés dans l'Imaginaire. Nous étions neuf au départ et sommes encore huit au sommaire de "Saisons païennes", notre dernière anthologie. Elle a monté de bout en bout la première publication du collectif: "Sorcière et Sortilèges". Après s'être fait la main sur toutes ces publications, enfin, elle s'est lancée dans le Chat noir. La première anthologie publiée a été le fait des Enfants de Walpurgis et le reste a suivi tout seul!
Pour faire bref, nous nous sommes connues dans nos folles années et ne nous sommes plus quittées!

Quelles sont les principales différences entre publier des nouvelles et un roman ? As-tu noté un impact sur le public lors des salons ?
Déjà, on a son nom, et rien que son nom, sur la couverture! Au regard du grand public, on donne moins l'impression d'être noyé au milieu d'inconnus et de n'être, justement, "qu'un parmi d'autres" – donc pas celui sur lequel on va investir. Mais bon, je dis ça parce que mon premier roman est sorti avant mon recueil de nouvelles. L'effet 1 auteur = 1 livre est aussi valable dans ce cas. N'empêche, j'entends moins souvent la remarque comme quoi je ne suis pas un vrai auteur parce que je n'ai écrit que des nouvelles. Ça, j'en ai soupé et je dois reconnaître que c'est assez énervant. Le format de la nouvelle est sans doute aussi déprécié que le genre de l'Imaginaire en France. De quoi rêver, parfois, de publications anglo-saxonnes… Sans forcément aller jusque-là, je trouve dommage ce désintérêt, voire ce rejet, d'autant que les lecteurs qui s'en méfient n'y ont souvent jamais goûté.
Concernant les salons, on va tomber sur des considérations semblables. Même s'il n'y a pas eu une vague d'intérêt intense, d'autant que "L'Aube de la Guerrière" a été publié au début de l'aventure Chat noir, j'ai l'impression assez nette que les gens sont plus facilement intéressés par un roman que par une anthologie ou un recueil. Et puis, vis-à-vis des "instances", je parais peut-être plus légitime à présent? Il est plus facile d'inviter un auteur qui peut présenter au moins un livre avec "que son nom dessus" plutôt qu'une demi-douzaines d'anthologies, mais avec le nom perdu dans la liste des autres contributeurs. Encore une fois, le grand public n'est pas familiarisé avec ça et ne comprendrait pas forcément le principe.

En quoi consiste l'association Transition que tu as fondée ?

J'ai créé Transition après avoir clos le fanzine "Étreinte". On y trouvait des nouvelles illustrées inspirées du monde de "Vampire : le Requiem", un jeu de rôle de White Wolf. À l'époque, j'avais quitté l'association où je jouais et qui publiait le fanzine. Toutefois, je conservais l'envie de m'occuper d'une petite revue basée sur le même principe: au moins une illustration par nouvelle, le tout dans des univers d'urban fantasy. C'est ainsi qu'est né le concept de "Pénombres" – très inspiré du Monde des Ténèbres, comme vous le voyez, mais à la sauce française!
En parallèle, j'avais envie de mettre en avant une autre sensibilité, qu'on ne trouvait pas dans le paysage du fanzinat français de l'époque (et il me semble qu'aujourd'hui non plus). Il s'agit du courant "Éveil", basé sur un instant d'émerveillement, une sorte d'épiphanie. Les œuvres n'appartenaient pas forcément à la SFFF, même si, au final, nous recevions une majorité de textes correspondant au genre. Il m'a toujours été très difficile d'expliquer le fond du concept. L'idée était de mettre en mots ces moments suspendus et emplis d'une sorte de pleine conscience de l'existence qu'on trouve dans certains animes japonais, mais aussi des mangas ou des romans de là-bas. "Les Vagues de Clamatlice", un petit recueil paru en numérique aux éditions Voy'[el] (si si, dans la collection E-courts à 1€!), donne un bon aperçu de l'ambiance et de l'expression de ce courant.
J'ai beaucoup de respect et d'enthousiasme pour le travail des illustrateurs. Il s'agit de l'une de mes principales sources d'inspiration et je tenais à la mettre en avant au sein de Transition. J'ai également essayé de mettre en place un système inverse, où un illustrateur proposait une création à partir de laquelle un auteur écrivait, mais le principe n'a pas pris. Outre la possibilité d'illustrer des textes, nous leur ouvrions également un petit carnet à l'intérieur de chaque numéro, leur permettant de soumettre des illustrations couleur (mais pas trop, parce que ça a un coût). Le soin apporté à l'aspect graphique se voyait aussi grâce au travail de Yohan Vasse, maquettiste professionnel qui a été présent dès le début de l'aventure – en fait, depuis la période d' "Étreinte".
J'ai passé le flambeau courant 2013, après deux années d'inactivité. La nouvelle équipe peut compter sur Anne-So, illustratrice et graphiste qui avait déjà pas mal aidé avant que l'association ne connaisse une période de torpeur. Par elle, et par la volonté de Maëlle et de Céline, qui ont repris avec beaucoup d'énergie et de passion Transition et ses publications, je suis certaine qu'on trouvera de nouveau cette alliance entre créations picturale et textuelle.

Encore merci pour ces questions et de m'avoir permis de parler de Transition! Depuis que l'association s'est remise sur les rails, elle a lancé plusieurs appels à textes aux formats courts et très courts. Alors, les Grenouilles, passez y faire un tour de nénuphar! ;-) http://projet-transition.fr/

Vanessa a récemment publié un autre roman de bit-lit, aux éditions du Petit Caveau cette fois: "Cinq pas sous terre". Comme la ligne de l'éditeur l'indique, l'héroïne est une vampire… Mais l'auteure ne s'est pas privée de détourner certains codes!

Son site: http://vanessaterral.fr
C'est au tour de Cécile Guillot de répondre à nos questions :
Peux-tu nous parler du processus éditorial des éditions du Chat Noir ?
Normalement, nous étudions d'abord un extrait, accompagné d'un synopsis. Si le projet présenté par l'auteur nous intéresse, nous demandons le manuscrit complet qui passe alors entre les mains de plusieurs personnes : directeur de la collection visée et membres du comité de lecture.

Qu'est-ce qui vous a attiré dans "L'Aube de la guerrière" ?

Pour ce roman, les choses se sont passées un peu différemment. La maison venait d’ouvrir, je connaissais bien Vanessa, je lui ai donc demandé si nous écrire un roman de bit-lit pourrait l'intéresser. Elle nous a présenté ce projet qui nous a toute suite conquis grâce à son humour, ses thèmes abordées (notamment la mythologie nordique) et sa volonté de ne pas tomber dans les clichés du genre, tout en respectant certains codes.

Est-ce que le fait d'être aussi publié impacte tes relations avec les auteurs ?

Je pense que mes demandes en terme de deadline, corrections etc. sont plus réalistes que si je n’avais pas moi-même une expérience en tant qu'auteur. Pour le reste, je ne saurais dire…

Te reconnais-tu dans l'univers que développe Vanessa ?

Oui, totalement ! Je m’intéresse beaucoup au paganisme et j’apprécie les petites références (parfois très subtiles) qu’elle distille dans ses écrits.
Merci Cécile ! On souhaite beaucoup de succès aux éditions du Chat noir !
Pour plus d'infos à propos des éditions du Chat Noir, c'est par ici : http://www.editionsduchatnoir.com/