lundi 23 février 2015

Interview du Groupe d'Entraide des Auteurs Rôlistes

Nous avons aujourd'hui le plaisir de publier un entretien qui a représenté une aventure de plus d'un an pour Tintama(r)re. Un grand merci à Mandragore, qui a réalisé l'interview !

Logo du Groupe d'Entraide des Auteurs Rôlistes (G.E.A.R.)


Pourriez-vous commencer par présenter rapidement le Groupe d'Entraide des Auteurs Rôlistes ? En quoi cela consiste ?

Le Groupe d'Entraide des Auteurs Rôlistes (ou G.E.A.R.) est une initiative partagée par plusieurs professionnels du Jeu de Rôle (JdR). Elle est née de conversations d'abord anodines sur les parcours des uns et des autres, puis de l'envie d'éviter à la nouvelle génération des travailleurs du JdR, les erreurs que nous avons commises.
L'objectif du GEAR consiste donc à promouvoir une démarche professionnelle des concepteurs, illustrateurs et traducteurs du JdR, ainsi qu'à les aider à protéger leurs droits et leur rémunération.
Une présentation plus complète du GEAR peut être lue sur notre page Facebook (http://www.facebook.com/GEARJDR) et notre blog (http://gearjdr.blogspot.fr).


Parlez-nous de vous : combien êtes-vous ? Comment vous répartissez-vous le travail ?

Pour l'instant, nous sommes une demi-douzaine. Le GEAR fonctionne sur une base de volontariat et nous répartissons le travail selon le temps disponible de chacun et nos centres d'intérêt respectifs. Tout ça est très collégial.


De quelle manière fonctionne le GEAR ?

Nous avons deux activités principales :
  • publier des articles pour prévenir les situations et faire profiter les (jeunes) auteurs, illustrateurs et traducteurs de nos expériences.
  • répondre aux questions des auteurs, illustrateurs et traducteurs. Le cas échéant, nous sommes prêts à jouer les bons offices entre un indépendant et son éditeur.

Que retirez-vous de cette expérience ? Avez-vous beaucoup de retours, de commentaires, de questions ?

Nous retirons chacun des choses différentes de l'expérience du GEAR. En outre, bien que l'on compte un peu plus de 500 personnes suivant notre page Facebook, ce groupe est encore jeune et il est trop tôt pour avoir un avis définitif sur ce que nous en retirons. Pour l'instant, nous sommes tout simplement contents de donner un coup de main à nos confrères et de participer, à notre mesure, à la maturation de ce secteur d'activité. Sans parler de malhonnêteté, il y a de nos jours de nombreuses pratiques... approximatives dans le milieu du JdR, et il y a encore du boulot pour le GEAR.


Est-il facile de faire publier un jeu de rôle original ?

Oui et non. Tout le monde ne parvient pas à se faire publier mais tout le monde peut s'auto-publier. Deux choses radicalement différentes : la première possède le cadre professionnel de l'éditeur, la seconde est plus aléatoire quand au professionnalisme. En revanche, il y a beaucoup plus de jeux qui sortent qu'à une certaine époque. Entre les souscriptions, le crowfunding et l'impression à la demande, il existe de nombreuses solutions pour être publié.
En réalité, la question n'est pas de savoir si l'on peut être publié, mais plutôt dans quelles condition on peut l'être : quelle seront la qualité du jeu et de l'ouvrage (qualité d'impression, illustrations, corrections, etc.), savoir s'il sera distribué correctement, et surtout, quelle sera la rémunération de l'auteur et comment ses droits seront-ils respectés ?


Quels conseils donneriez-vous à des auteurs qui voudraient écrire un JDR ?

De s'armer de patience, et de ne pas être esclave de sa passion. Un auteur doit aussi pouvoir tester son jeu avant de le soumettre à un éditeur, et continuer à le faire tout du long du processus de création si possible. Auteur de JdR c'est aussi savoir se remettre en questions régulièrement pour le bien du jeu : accepter et analyser les retours des playtests, être à l'écoute des conseils allant dans le sens du jeu. Il faut aussi savoir dire « non » à un éditeur qui ne propose pas des conditions satisfaisantes ou qui demande des modifications dénaturant complètement le projet. Bien qu'il faille accepter les corrections, ou les éventuels aménagements pour par exemple entrer dans une collection, et l'avis professionnel de l'éditeur, une relation de travail bénéfique se construit sur un respect mutuel, pas sur des rapports de force.
C'est le grand défi de l'auteur de JdR, comme de l'illustrateur : en plus d'être bon dans son domaine, il doit aussi savoir se vendre et tenir en bonne intelligence avec les autres acteurs du milieu, l'identité d'un projet. Un nouveau multiclassage ?

lundi 16 février 2015

Financement participatif : Scylla

Trois maisons d'édition ont actuellement recours au financement participatif pour soutenir la publication de leur revue (les Moutons électriques et Mythologica) ou leur lancement (Scylla). Tintama(r)re a voulu en savoir plus et a donc contacté lesdites maisons d'édition.
Après les réponses de Mythologica la semaine dernière, voici celles des éditions Scylla !

À la fin de l'année 2014, la librairie parisienne Scylla a officiellement démarré une activité d'édition pas tout à fait comme les autres. En effet, les éditions Scylla proposent l'acquisition de leurs premiers titres sous une forme de financement participatif. Tintama(r)re est donc allé à la rencontre de Xavier Vernet, le fondateur des éditions Scylla, qui est aussi l'un des associés de la maison d'édition associative Dystopia et de la librairie Charybde à Paris.

Tintama(r)re : Pourquoi avoir fait le choix du financement participatif pour le lancement des éditions Scylla ?

Xavier Vernet : La librairie Scylla n'a aucune trésorerie et n'en a d'ailleurs jamais vraiment eu depuis sa création en 2004. Dans le meilleur des cas, une fois payé le loyer, les fournisseurs et mon salaire (quand c'est possible), il ne me reste rien sur le compte de la librairie à la fin de l'année. Or, pour lancer n'importe quelle activité, il faut du capital et du travail. On peut compenser le manque de capital par du travail mais pas le remplacer complètement. Surtout lorsqu'on veut rémunérer décemment tous les intervenants : auteur, traducteur, maquettiste, illustrateur, correcteur, imprimeur, relieur, webmaster...
Dans le contexte économique actuel, il me semblait plus logique de lancer une petite activité éditoriale (1 ou 2 titres par an) pour compléter et consolider l'offre de la librairie plutôt que de vendre des produits dérivés, par exemple.
L'expérience Dystopia prouve qu'on peut éditer différemment et trouver son public. Nous rétribuons tout le monde sauf notre travail éditorial (c'est-à-dire le choix des textes, le travail avec les auteurs, la commercialisation). Les éditions Scylla, c'est pour passer à l'étape suivante : payer cette partie qui, chez Dystopia, ne l'est pas.


Pourquoi ne pas avoir utilisé une plateforme de plus grande envergure (Kickstarter, Ulule…) puisqu'elles confèrent davantage de visibilité à un projet ?

Les plateformes « grand public » offrent, il est vrai, une meilleure visibilité. En théorie. On est aussi vite noyé dans la masse (comme un micro-éditeur l'est sur le site d'Amazon ou de la FNAC). Ensuite, le coût n'est pas négligeable puisque ils prennent une dizaine de pour cents des sommes récoltées.
Ces plateformes sont parfaites pour lancer un projet sans être connu ou sans avoir de communauté. Or la librairie Scylla existe depuis 11 ans et Dystopia est une association à but non lucratif à laquelle je participe depuis son lancement en 2009 et qui a publié 13 tires à ce jour. La librairie Charybde, quant à elle, fêtera en juin prochain ses 4 ans d'existence. La communauté existe donc déjà. Je la connais et elle connaît ma façon de voir et de défendre la littérature, la librairie et l'édition.
Je travaille depuis plusieurs années avec Clément Bourgoin, webmaster entre autres des sites Scylla, Charybde, Dystopia ou encore Le Bélial. Il a créé et animé pendant 5 ans la librairie virtuelle Ys et a développé Biblys, un outil web parfait pour les petites structures comme les nôtres : un seul site regroupe votre base bibliographique, votre blog, votre logiciel de comptabilité de caisse et de vente par correspondance. Cet outil évolue aussi en fonction de nos besoins. Quand on a commencé à évoquer ensemble le financement participatif pour les éditions Scylla, il m'a dit qu'il pouvait sans problème développer une plateforme maison. C'est chose faite. Nous avons lancé la première campagne le 1er décembre dernier et elle durera jusqu'au 28 février 2015.


Comptez-vous réutiliser ce modèle pour les futures publications des éditions Scylla ?

Oui, mais pas systématiquement. Le financement participatif est un excellent outil mais à trop l'utiliser, on saturera vite les contributeurs potentiels.
De mon point de vue, ce n'est rien d'autre que de la souscription améliorée : les contributeurs n'attendent pas un retour sur investissement, ils souhaitent juste qu'un projet se concrétise. Certains sont prêts à payer plus, d'autres à payer juste la valeur du livre (qu'il soit papier ou numérique). Tout le monde peut y trouver son compte. C'est aussi, en fin de compte, du mécénat à la portée de tous. Mais y avoir recours à chaque fois serait trop risqué. Je pense faire appel à la contribution une année sur deux.


Comment trouver l'équilibre entre les contreparties pour les donateurs et la publication des livres ?

Je suis parti du principe qu'il ne fallait pas vendre ce qui est habituellement offert. Un marque-page, une rencontre avec l'auteur, tout ça est gratuit et doit le rester.
Ensuite, j'ai mis très peu de goodies dans les contreparties. Je privilégie l'œuvre avant tout. Je suis libraire, je veux vendre des livres, pas des pins's. Donc, je suis logiquement parti du moins cher, les livres en version numérique et ensuite constitué chaque palier en essayant de penser à tous les cas de figure.
J'ai opté pour vendre ensemble la novella Il faudrait pour grandir oublier la frontière de Sébastien Juillard et la réédition du roman Roche-Nuée de Garry Kilworth jusqu'au palier à 100 € (la première version reliée) afin de ne pas favoriser l'un par rapport à l'autre. Je tiens à ce que les deux existent.
Pour les versions reliées, j'ai rencontré Benjamin Berceaux quand il étudiait la reliure d'art. Son projet de fin d'étude était de créer une reliure/coffret pour une œuvre de son choix. Il a travaillé sur l'intégrale des nouvelles de Dick. J'ai trouvé son approche passionnante et je me suis promis de travailler avec lui dès que l'occasion se présenterait. C'est maintenant chose faite, du moins si on arrive au fameux 100%, ne vendons pas la peau de l'ours…


Puisque la maison fonctionne sous un modèle de financement participatif, qu'est-ce que les éditions Scylla apportent de plus à un auteur qui pourrait lancer sa propre campagne de financement participatif pour son livre ?

Un éditeur doit faire deux choses : publier et commercialiser. Publier, c'est avant tout faire des choix. Et une fois que le choix est arrêté sur un texte, c'est travailler avec l'auteur pour que celui-ci soit le meilleur possible tant sur la forme que sur le fond. Commercialiser, c'est aider ce livre à trouver son public, et ce sur le long terme.
L'un comme l'autre ne relèvent pas du travail de l'auteur. Il peut choisir de le prendre en charge mais je pense que c'est une perte de temps et d'énergie pour lui.


Danae Ringelmann, co-fondatrice d'Indiegogo, a affirmé qu'il n'y a pas de meilleure indication de l'état du marché qu'une campagne de financement participatif. En effet, selon elle, même si une campagne de financement ne fonctionne pas, elle permet d'obtenir un retour direct des consommateurs. Êtes-vous d'accord avec cette assertion ?

Ce n'est pas seulement le crowdfunding qui permet le retour direct des clients (je n'aime pas « consommateurs »), c'est Internet.
Internet permet et ce, même pour un marché de niche comme la littérature de genre – de trouver vos clients potentiels et ensuite de pouvoir dialoguer avec eux où qu'ils soient. La librairie Scylla s'est lancée grâce à Internet et c'est grâce à Internet qu'elle existe encore aujourd'hui. Le financement participatif n'est qu'un moyen supplémentaire de dialoguer :
« – J'ai un projet qui mérite d'exister.
– Je veux/vais t'aider. »
Pour la campagne des éditions Scylla, on reste dans un marché de niche. J'estime qu'il me faudra entre 200 et 300 personnes pour récolter les 10000 € qu'il faut à ce double projet. Que je réussisse ne signifie pas que le marché de l'édition de SF va bien. Juste que quelques dizaines de personnes souhaitent comme moi que ces livres voient le jour.

Pour aller plus loin sur cette idée, c'est aussi ça que permet Internet : ne pas s'occuper de ce que « veut acheter » la majorité mais considérer que la minorité existe et constitue aussi un marché viable.


Merci à Guillaume Parodi, qui a réalisé cet entretien pour Tintama(r)re !

Notes et liens :

lundi 9 février 2015

Financement participatif : Mythologica

Trois maisons d'édition ont actuellement recours au financement participatif pour soutenir la publication de leur revue (les Moutons électriques et Mythologica) ou leur lancement (Scylla). Tintama(r)re a voulu en savoir plus et a donc contacté lesdites maisons d'édition.

Lucie Chenu et Thomas Riquet ont aimablement accepté de répondre à nos questions sur Mythologica : un grand merci pour le temps consacré à cet entretien !

Mythologica a récolté à ce jour 2121 €, soit 106% du montant espéré : une excellente nouvelle !

Rendez-vous la semaine prochaine pour les réponses des éditions Scylla !



Les premiers numéros semblent avoir bien marché, avec notamment un n°1 presque épuisé, du coup, pourquoi avoir recours au financement participatif ?

En fait, les premiers numéros ont bien marché, mais le distributeur retient une énorme provision sur les retours. Résultat, la trésorerie n'est pas dans les caisses de Mythologica, et nous ne pouvions pas payer les auteurs et l'impression de ce numéro 4.


Sur la page du financement, vous parlez de « mise en sommeil », vous comptez donc bien poursuivre l'aventure de la revue ?

Pour le moment non. Les auteurs ont été prévenus que la revue s'arrêtait (pendant au moins un an ou deux, peut-être plus).


Y a-t-il des raisons autres que financières à cette « mise en sommeil » ?

C'est épuisant de se battre pour quelque chose qui n'aboutit pas. Certains auteurs attendent depuis des mois les numéros à paraître. La situation avec le distributeur est vexante.
Nous tenions absolument à sortir ce numéro 4, en particulier pour les abonnés (leur abonnement court du n°1 au n°4). Nous voulions absolument fournir le numéro déjà réglé. Tenir l'engagement était important pour nous.


Si Mythologica revient un jour, pensez-vous utiliser une nouvelle fois ce mode de financement ?

Ce sera une décision du directeur de publication et des co-rédacteurs en chef, mais il y a aussi d'autres moyens à envisager, tels que l'impression à la demande, l'abonnement, la souscription, etc. Le financement participatif n'en est qu'un parmi d'autres.


Pensez-vous que c'est un modèle pérenne ? Peut-on le voir comme un abonnement « amélioré » ?

Je ne crois pas que ce soit un effet de mode. Je crois qu'il y a un vrai désir de solidarité de la part des gens qui souhaitent aider à financer. Mais je crains qu'au bout d'un certain temps, les contributeurs ne se lassent. Il y a en ce moment plusieurs projets de financements participatifs en SFFF, il n'y pas que Mythologica (il y a Fiction, Scylla...). Outre l'édition, le crowdfunding est de plus en plus utilisé, pour financer des tournages de films, des enregistrements de CD (et parfois, de musiciens très connus !), à chaque fois pour des projets ponctuels, mais de plus en plus fréquents. Ça marche encore plus ou moins bien grâce aux contreparties souvent intéressantes, et puis parce que c'est encore un peu nouveau, mais je ne sais pas si ça va durer.


Merci à Nariel, qui a réalisé cette interview pour Tintama(r)re !

Liens :

lundi 2 février 2015

Creep Show de Célia Deiana

Après la fin de son cycle et avoir obtenu l'estampille CoCyclics, Célia Deiana a accepté de répondre aux questions concoctées par Booz pour Tintama(r)re.



Bonjour Célia et merci d'avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions.
Tout d'abord, peux-tu nous présenter ta novella Creep Show en quelques phrases ?

Bonjour !
Creep Show est parti d'un exercice de style. C'est un peu comme si je m'étais levée un matin en me disant : « Tiens, je vais écrire un film d'horreur ». Je garde le mot « film » parce que c'est vraiment une source première d'inspiration ; je suis fan des maisons à recoins et un peu bizarres. Alors j'ai pris un panel d'étudiants, accompagnés de trois enseignants ; je leur ai offert un week-end de détente organisé par leur club de cinéma ; et j'ai attendu que la maison les détruise peu à peu. Sous l'influence de la maison et de son propriétaire, chacun voit ses névroses se démultiplier. Des angoisses, des peurs et des remords ressurgissent. Un de mes personnages par exemple est une ancienne dépressive qui a déjà fait des tentatives de suicide aux médicaments, et elle va passer ces deux jours à goinfrer ses camarades de calmants et de somnifères ! Mais mon héros, David, est différent : il est condamné par le Sida et il n'a rien à perdre. Sa tête est déjà un cimetière donc la maison a moins d'emprise sur lui.



Je me souviens effectivement de David qui m'a toujours paru touchant. Le lien entre la maison et lui semble particulier, peux-tu nous en dire plus sur lui et les raisons de sa présence ?

David était « le » point casse-gueule du récit. On dit toujours qu'il ne faut pas trop dramatiser la situation des héros, mais lui n'est vraiment pas gâté. Il s'est fait virer de chez lui après son coming-out, est monté sur Paris, a été infecté par le virus du sida, a fini dans un centre d'accueil... Une amie l'a sauvé, fait remonter la pente, il a pu reprendre ses études. Au début de Creep Show, il vient de larguer son copain du moment et apprend que le virus est passé en phase active. David s'est construit sur les reproches, les non-dits et les prévisions dramatiques que son père lui a envoyées à la figure quand il est parti. C'est un garçon qui pense à la mort constamment, qui cherche l'affection partout où il peut, qui paraît faible mais qui tire de sa détresse (et de son entêtement violent) une très grande force.


Effectivement, tu n'y es pas allée de main morte sur l'aspect dramatique de ton héros. Maintenant, tournons-nous vers le début de la rédaction : une maison hantée, une atmosphère oppressante, des personnages aux multiples secrets, comment s'est passée la phase d'écriture et pourquoi avoir choisi de faire passer le roman par le cycle ?

La phase d'écriture a été très rapide. Au départ, Creep Show était une novella d'une quarantaine de pages, avec une tension et une action très concentrées. C'était un peu le défi de rester sur un seul lieu, un seul personnage et un temps limité, mais en deux semaines l'histoire était bouclée. J'aurai ensuite pu demander une correction à une de mes lectrices habituelles. Cependant, j'avais non seulement envie de proposer mon texte à des yeux neufs, mais aussi de bénéficier d'un cadre solide pour mes corrections. J'ai horreur de reprendre un texte et avec le système du cycle, j'ai bien été obligée d'y passer ! Ça a été une bonne expérience pour moi et une chance pour le texte.
À la fin, la novella s'est étoffée, j'ai privilégié un point de vue multiple, histoire de préserver un peu le cœur des lecteurs. Visiblement, la tension resserrée l'était vraiment et il y avait trop peu de respirations dans la première version. Il y en a davantage maintenant, mais je crois que la maison a gardé toute sa bizarrerie et que les futurs lecteurs en auront encore pour leurs... battements de cœur.


Tu as donc dû faire un grand nombre de remaniements. Qu'est-ce qui a été le plus difficile à modifier ?

J'ai rajouté deux points de vue à mon récit : celui de l'amie de David et celui d'un des enseignants. Et autant j'ai l'habitude des personnages tels que David ou Virginie, autant celui de l'adulte plus âgé et mûr a été beaucoup plus compliqué. Et puis il a fallu récrire certaines scènes selon un point de vue différent, dans un récit où les névroses personnelles de chacun prennent souvent le pas sur la réalité. Ce n'était pas facile mais avec un bon tableau Excel dans lequel j'ai pu diviser toutes mes scènes et mes points de vue, j'y suis arrivée.


Tu dis avoir voulu écrire un « film d'horreur ». J'imagine que tu t'es inspirée de certains d’entre eux pour imaginer ce récit. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ces sources d'inspiration ?

C'est bizarre parce que les deux films auxquels je pense tout de suite ne sont pas des films d'horreur. L'un, pour l'ambiance, est Ceux qui m'aiment prendront le train, du grand Patrice Chéreau. À l'occasion d'un enterrement, tout un groupe de personnes se retrouve dans une vieille et grande maison familiale. Personne ne dort vraiment et on passe d'une pièce à l'autre, d'une discussion à l'autre, avec des tensions, des moments de calme... Un autre film est 13 Tzameti, un film tourné en noir et blanc où un jeune travailleur migrant se retrouve dans une maison au fin fond de tout, où des gens parient... sur des jeux de roulette russe. Chaque parieur choisit un joueur et le jeune homme se retrouve avec un canon de revolver sur la tempe, alors que lui-même tend un pistolet sur le crâne d'un autre joueur. Il y a une ambiance très spéciale dans ce film plein de tension, que je ne saurai que conseiller à tout le monde. Sinon d'autres films plus classiques m'ont permis de modeler Creep Show, mais moins peut-être. Je reste une fan de films de genre, même si j'en regarde moins aujourd'hui, comme Hostel II, The Grudge, Poltergeist ou Saw (les deux premiers, j'ai trouvé le troisième répétitif et je n'ai pas vu les autres). Mais la plupart des films de maison hantée jouent plus sur la souffrance physique. Ce sont souvent des films de fantômes ou alors des films où le mal est orchestré par un grand manipulateur. Je pense que Creep Show est plus viscéral que ça, peut-être à la manière de Shining (mais sans le talent du King ou de Kubrick, puisque j'aime les deux versions). Bon après, les amateurs verront dans deux éléments « enfantins » de Creep Show une allusion tout à fait assumée à la cinématographie japonaise, notamment Black Water.


Et maintenant que Creep Show vole à la recherche d'éditeurs, sur quels autres projets travailles-tu ?

Alors en ce qui concerne les projets, survivre à un hiver particulièrement froid serait déjà bien ! En plus de l'écriture je suis membre active d'Amnesty International et cela me prend beaucoup de temps. Mais pour rester dans le domaine de la fiction j'ai quatre petits projets en cours, notamment une trilogie de fantasy urbaine très éloignée des romances paranormales qui sont devenues presque synonymes du genre. Ça parle de filiation, de meutes et d'extrême droite... Tout un programme ! J'aimerais aussi tenter quelques textes en jeunesse et YA (Young Adult). J'ai un manuscrit en cours de soumission avec un héros transgenre qui bute du dragon mais je pense le reprendre entièrement après quelques retours d'éditeurs. Et puis je pense aussi m'intéresser aux Amazones. Je crois que j'ai un gros faible pour les héros "de genre" pour reprendre ce mot si incompris et si brocardé par quelques extrémistes de mauvais augure (oups, je ne lâche pas mes motivations politiques aussi facilement).


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