lundi 27 avril 2015

Retour sur le festival Chimères & Légendaire 2015

De nombreux évènements SFFF ont lieu depuis le début du printemps. Tintama(r)re va donc consacrer la semaine à de petits comptes-rendus de ces festivals, réalisés par des membres du forum CoCyclics.
C'est Earane qui commence, en nous racontant son expérience du jeune festival Chimères & Légendaire. Grand merci à elle pour ce retour et les photos !

Affiche du festival Chimères & Légendaire 2015

C'est par une matinée pluvieuse que je suis arrivée au Domaine Saint-Roch, à Couvin (Belgique) où se déroulait la quatrième édition du festival Chimères & Légendaire ces 28 et 29 mars 2015.

Festival dédié aux genres de l'imaginaire, à la Fantasy principalement, j'ai eu la chance d'y croiser moult personnages hauts en couleur. Des explorateurs aux costumes steampunk en passant par des barbares ou encore des chevaliers, tout ce petit monde arpente l'extérieur pour découvrir les nombreuses échoppes des artisans qui vous proposent vêtements, boissons artisanales comme l'hydromel ou mettent en scène des combats à l'épée.

Hall du festival

À l'intérieur, j'y découvre également des illustrateurs comme Le Petit monde tentaculesque d'Emilie, Natacha Bailly ou l'une des invitées d'honneur, Krystal Camprubi, mais aussi des auteurs aux univers multiples tels que Denis Labbé, Emilie Ansciaux, Feldrik Rivat et Laëtitia Reynders. Des conteurs officieront également plus tard dans la journée.

Si le froid s'est aussi invité à la fête, l'atmosphère est chaleureuse et décontractée, les gens discutent, regardent, s'intéressent. La journée est ponctuée de moments divertissants comme quelques morceaux de flute - à une ou deux, au choix ! - ou encore des danses et des bribes de discussions houleuses entre farfadets et autres créatures surnaturelles. Bref, de quoi nous divertir dans les moments de creux !

Joueuse de double flûte

C'est également pour moi l'occasion parfaite de rencontrer enfin en vrai une autre grenouille, Gaëlle Kempeneers, auteur aux Éditions Voy'el. J'y côtoie également Denis Labbé, auteur aux Éditions du Chat Noir. Nous passons la journée ensemble sur le stand de notre diffuseur, Sema Diffusion, en proposant aux visiteurs qui osent nous approcher du dragon à se mettre sous la dent, des voyages dans le temps ou des aventures avec les zombies.

Stand de Sema Diffusion

Les heures passent et voilà qu'approche la fin de cette première journée de dédicaces, une grande première pour moi. Une première réussie, avec de belles rencontres et discussions avec d'autres auteurs mais aussi avec le public. Peu à peu, chacun remballe ses affaires, se rhabille pour braver le vent qui se déchaîne et tout ce petit monde rentre chez soi. Certains reviendront le lendemain, pas moi. Je rentre sagement chez moi avec de très jolis souvenirs dans la tête et l'envie d'être déjà au prochain rendez-vous, à Trolls & Légendes les 3, 4 & 5 avril prochains.

lundi 20 avril 2015

Dans la tête d'un nouvelliste : Lionel Davoust

Omniprésents et pourtant sous-estimés par un marché du livre qui fait la part belle aux romans et aux séries, les récits courts sont rarement à l'honneur 1. L'équipe Tintama(r)re est heureuse d'annoncer la création de la rubrique « Dans la tête d'un·e nouvelliste », consacrée à la nouvelle et plus particulièrement au rapport qu'entretiennent les auteur·e·s avec ce format.
Celui qui ouvre aujourd'hui le bal a parlé à plusieurs occasions des nouvelles, qu'il écrit, traduit, orchestre en anthologies. Il s'agit du sieur Lionel Davoust, qui a très obligeamment répondu aux questions d'Atar.
Lionel Davoust est de ces auteurs à l'univers vaste et aux œuvres variées. Tantôt nouvelliste, tantôt romancier, il s'essaie à de nombreux types de création (de la musique en passant par l'écriture), mais aussi à la traduction ou à la direction d'anthologies. On lui doit de nombreux livres comme le recueil de nouvelles L'importance de ton regard (aux éd. Rivière Blanche), la série de romans Léviathan ou encore son dernier né La Route de la Conquête (aux éd. Critic).

Portrait de Lionel Davoust
©Mélanie Fazi

Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire des nouvelles ?

Au tout début, l'apprentissage, je pense. J'ai grandi dans une maison où l'on lisait Galaxie, Fiction, toutes les revues de la dite « grande époque », avec les classiques ; pour moi, l'imaginaire (la science-fiction, à l'époque), c'étaient beaucoup les maîtres américains de la nouvelle. Quand j'ai voulu me mettre sérieusement à écrire, suivre cette voie me semblait une évidence. Par la suite, je me suis aussi rendu compte que cela me permettait de tenter beaucoup de choses et d'expériences avec une prise de risque minimale : un roman nécessite des mois de travail, si l'on part sur une mauvaise base, ou avec une forme qui s'essouffle, on perd un temps important, alors qu'une nouvelle offre le cadre idéal pour s'essayer à quantités d'atmosphères et de genres différents pour élargir sa palette.


Qu'est-ce qui vous a attiré et vous attire vers/dans ce format ?

L'expérimentation qu'elle permet et l'énergie qu'elle procure. Sous bien des aspects, la nouvelle offre davantage de liberté que le roman : la forme et les attentes quant à ce dernier sont relativement codifiées, alors qu'on peut tenter sur une nouvelle quelque chose de dingue qui fonctionne justement parce que la forme est courte, un procédé qui éreinterait le lecteur sur une durée plus longue. D'autre part, dans la nouvelle, tout concourt au but final, c'est une forme d'épure narrative agréable à pratiquer.


La nouvelle est-elle pour vous un format comme un autre ou bien un format privilégié ?

La nouvelle est la nouvelle. C'est un format avec ses propres exigences, sa dynamique. Elle permet des procédés difficiles voire impossible dans le roman ; en plus de la narration classique, elle permet de jouer avec des idées, des façons de raconter qui fonctionnent justement parce que le format est court.


Comment sait-on que ce que l'on écrit deviendra une nouvelle plutôt qu'une novella ou un roman ?

Si vous êtes à 600 000 signes, c'est trop tard... Blague à part, je connais des auteurs qui ressentent instinctivement la longueur d'un texte, mais pour ma part, j'ai dû apprendre. J'ai longtemps confondu énergie et longueur : si un texte était énergique, ce devait être une nouvelle ; s'il était contemplatif, c'était un roman. Or, c'est complètement décorrélé, voire corrélé de façon inverse ! Par exemple, à l'origine, le court roman La Volonté du Dragon était un projet de nouvelle pour la première anthologie des Imaginales, Rois et Capitaines : une bataille navale assaisonnée de politique avec de l'action partout, c'était l'énergie d'une nouvelle, non ? Eh bien, non, justement, la complexité nécessitait une forme longue. Maintenant que j'ai appris ma propre dynamique narrative, je mesure à peu près correctement. Un propos unique, peu de personnages, une action très resserrée, une chute marquée, voilà qui, en général, va faire une nouvelle. Une chose est sûre : une histoire a sa propre dynamique interne et doit faire la longueur qui va la servir. Délayer pour passer de la nouvelle au roman ou comprimer pour changer un roman en nouvelle, ça ne fonctionne pas, à moins justement de changer cette dynamique de fond en comble.


Pour vous, y a-t-il des codes (chutes, rythmes, types d'histoires) incontournables de la nouvelle à respecter/détourner ?

Je souscris à la démarche d'Edgar Allan Poe : dans la nouvelle, tout doit concourir à une atmosphère unique. Même si, comme pour tous les codes, il faut réfléchir et éventuellement contourner le principe… Mais j'en reste assez proche, du moins quant à l'idée de but final. Une nouvelle est pour moi une promesse narrative assez brève, qui prend de l'élan sur quelques pages, et doit offrir, soit une chute frappante, soit un questionnement net. La nouvelle est un ressort qu'on comprime et détend brutalement à la fin. On ne peut pas faire de détours narratifs ; elle va droit au propos. Là où le roman offre une densité à laquelle on réfléchira peut-être longtemps ensuite, un goût, une atmosphère qui vous hanteront, la nouvelle vous donne potentiellement un coup à l'estomac dont vous garderez la marque par la suite. Même si ce coup est une fin ouverte, ou une atmosphère contemplative, riche d'interrogations – c'est une marque ponctuelle, par opposition au roman, qui est un cheminement.


Y a-t-il des genres que vous préférez ? Que vous permettent-ils ?

Comme ailleurs, je tends toujours vers la fantasy ou le fantastique parce que la science-fiction et sa tendance actuelle à sacraliser la cohérence avec les faits m'embête à placer la réalité sur le chemin de l'histoire que j'ai envie de raconter. Dans la nouvelle, je m'amuse souvent aussi à expérimenter avec des formes plus surréalistes, comiques ou grinçantes, justement parce que la brièveté évite de lasser le lecteur du procédé ; je ne suis pas certain que cela tiendrait sur 500 pages.


Comment travaillez-vous une nouvelle ? Suivez-vous ou avez-vous des rituels, des contraintes, des techniques d'écriture particulières ?

De la même façon que je travaille toute histoire : il me faut d'abord le propos et surtout la fin, qui pour moi justifie le voyage du récit. Dans le cadre d'une nouvelle, ce sera plutôt une chute nette, et tout devra tendre à celle-ci, sans qu'elle soit prévisible pour autant. Ensuite, il me faut surtout bien sentir les personnages et l'atmosphère, et établir les scènes-clés, vu que je suis structurel (je planifie à l'avance). Une poignée de scènes, pas plus, ou bien je sais d'expérience que je vais déborder du calibrage ; s'il en faut davantage, si le propos n'est pas concis et ne tient pas en une ou deux phrases, c'est un signal d'alarme pour me dire qu'il faut peut-être une novella voire un roman pour servir correctement cette idée. Je travaille la préparation à l'écrit, à la main, pour me mettre l'histoire « dans le corps » ; je me rends compte que je réfléchis et assimile mieux ainsi. L'écriture se fait ensuite directement à l'ordinateur. Pour les rituels, à part mon café du matin, de la musique jouée très bas pour occuper la part de mon cerveau qui tend à vagabonder et un nombre de pages minimum par jour, je n'en ai plus. J'ai fini par me dire que ce n'étaient que des manœuvres dilatoires, voire de l'affectation : si l'on veut écrire, il n'y a rien d'autre à faire qu'écrire.


Vos nouvelles sont-elles écrites pour des ATs ou bien selon votre envie ?

J'ai maintenant tendance à n'écrire des nouvelles que quand on m'en demande pour un projet précis, ou bien dans le cadre de recueils. J'aime les contraintes, qui forcent à sortir de la zone de confort, à aller chercher ce qu'on n'aurait pas forcément écrit sans elles. Mes textes les plus appréciés ont été écrit avec ce genre de contraintes. Et j'ai la chance d'avoir plus d'idées que je n'ai de temps… De plus, les romans et les séries me prennent aussi pas mal de temps.


Lorsque vous publiez un recueil de nouvelles, est-ce que vous portez une attention particulière à sa composition (le sommaire) ?

Oh que oui ! L'enchaînement des textes est comme un parcours à travers le livre, il faut alterner les atmosphères, les impacts, offrir des pauses, des moments plus contemplatifs. Idéalement, même, qu'il s'en dégage une histoire différente, subtile, dont l'ensemble dépasse la somme des parties (ce que je me suis particulièrement efforcé de faire sur La Route de la Conquête). C'est amusant parce que beaucoup de lecteurs picorent les recueils à leur gré, ce qui réduit cet effort à néant, mais c'est le jeu !

Couverture du recueil "L'importance de ton regard"


Quel rapport entretenez-vous avec les supports numériques ?

Je suis technophile, j'adore alimenter mon blog, mon bloc-notes est en réalité une tablette à stylet… mais je ne crois pas à tout le barouf qu'on fait autour du livre électronique. L'insistance, voire l'intransigeance de certains fanas du numérique à ne voir que ce support et rien d'autre m'agace de plus en plus, surtout quand on connaît les chiffres de vente qui demeurent extrêmement faibles. Quand j'entends des discours sur une « révolution » de la lecture, j'ai surtout l'impression que l'interlocuteur essaie de me vendre son modèle économique de distribution (sans qu'il s'agisse forcément de servir la création). Mais ce qui m'agace tout autant, c'est de voir que la littérature recommence, dans une grande mesure, les erreurs commises par le cinéma et le disque : prix parfois délirants, verrous abusifs… Cela évolue quand même, mais il reste des dégâts. En tout cas, dans l'ensemble, je ne pense pas que le numérique remplacera le papier, il cohabitera avec lui – peut-être, en revanche, en grignotant des parts de marché au poche, qui se situe sur un créneau comparable : un livre destiné à un marché de masse, avec des coûts de fabrication faibles. Quoi qu'il arrive, j'espère surtout qu'on ne perdra pas le rôle de conseil et d'animation des libraires, ni les éditeurs, qui restent garants d'un certain niveau de qualité.


Vous utilisez beaucoup les réseaux sociaux. À travers eux et votre blog, quelles sont les relations avec votre lectorat ?

Je le tutoie et je le qualifie d'auguste… Je crois que c'est surtout pour moi une façon de réduire systématiquement la distance entre l'auteur et le lecteur. On a sacralisé la littérature, pourquoi pas ; mais, au fur et à mesure et surtout à notre époque, cela s'est transformé en sacralisation de la personne de l'auteur, ce qui est idiot. Je refuse catégoriquement de me couler là-dedans. Je ne suis pas plus malin qu'un autre, plus recommandable, ni infaillible, et c'est pourquoi je m'efforce autant que possible de casser la tour d'ivoire de l'auteur. J'écris seulement des histoires que j'espère bonnes, sur les questions qui me tarabustent en me disant qu'il doit bien y avoir, dans le monde, quelqu'un que ça tarabuste aussi et que cela pourrait donc intéresser. De façon générale, je me vois plutôt comme un tenancier de bar, qui rassemble une communauté autour d'un intérêt commun, à savoir les livres – et les livres, le texte, c'est tout ce qui compte, en définitive.


Vous êtes engagés sur plusieurs types de projets, mais aussi sur différents sujets (par exemple la biologie marine, etc.). Comment et en quoi ceci influence votre écriture ?

C'est salutaire. Tout d'abord, cela permet de voir autre chose du monde, quelque chose de plus réel que la fiction, et cela rappelle qu'il existe toute une réalité hors de ses murs (et de son imagination) ! Un monde avec des priorités bien différentes de la littérature, qui se fiche royalement que vous écriviez ou pas, et je crois que tout auteur a besoin de ce petit retour à la réalité pour dégonfler son ego… Ensuite, bien sûr, cela offre l'occasion de prendre du recul, et de nourrir son imaginaire d‘expériences différentes. Si King dit – à juste titre – que l'art doit nourrir la vie, financièrement et dans le plaisir du quotidien, la matière artistique se nourrit aussi de ce qu'est un auteur. Je crois que pour créer, un auteur doit sortir au maximum de chez lui, non pas dans le but précis d'alimenter son écriture, mais dans celui, plus vaste, de grandir en tant que personne, autant que possible… Et cette dernière raison, je crois humblement que c'est pour cela que j'écris, au bout du compte.


Note :

1. Saluons à cette occasion la création du festival Nice Fictions, dédié aux formats courts du cinéma, de l'écriture et de l'illustration.

Liens :


lundi 13 avril 2015

Secrets d'anthologistes : Lucie Chenu

Docteure en génétique bactérienne, Lucie Chenu est une auteure, nouvelliste et anthologiste très active dans la promotion des genres de l'imaginaire. Elle a collaboré à plusieurs revues, fanzines et webzines (un dossier consacré aux Légendes Arthuriennes dans la fantasy pour Faeries en 2006, un numéro sur le thème de la musique pour Univers & Chimères en 2004, plusieurs numéros sur le thème « Femmes de l'étrange » pour Horrifique, responsable du domaine des fictions francophones de Mythologica depuis 2012, membre du comité de rédaction de Galaxies depuis 2013), et co-dirigé aux éditions Glyphe la collection Imaginaires de 2007 à 2009. Elle a par ailleurs intégré le bureau du Syndicat des écrivains de langue française en tant que rédactrice en 2014.
Lucie Chenu a reçu à deux reprises le Prix Bob Morane pour son activité d'anthologiste, en 2008 et 2009. Ses anthologies parues sont (Pro)Créations (éd. Glyphe, 2007), De Brocéliande en Avalon (éd. Terre de Brume, 2008), Identités (éd. Glyphe, 2009), Passages (éd. Oskar, 2010), Contes de villes et de fusées (éd. Ad Astra, 2010), Et d'Avalon à Camelot (éd. Terre de Brume, 2012).
Elle a eu la gentillesse de répondre aux questions de Lullaby pour Tintama(r)re.

Couverture de l'anthologie "(Pro)créations"

1/ Pour commencer, peux-tu nous parler des maisons d'édition pour lesquelles tu as conçu une anthologie ? Je pense notamment à Terre de Brume, pour les deux anthologies arthuriennes, mais il y a eu aussi Ad Astra (Contes de villes et de fusées) et Glyphe ((Pro)Créations et Identités).

Eh bien, mes relations avec tous ces éditeurs ont été très différentes les unes des autres ; je ne connaissais pas du tout Glyphe avant que soit acceptée mon anthologie sur la Naissance, et le travail sur (Pro)Créations s'est tellement bien passé qu'Éric Martini m'a proposé de diriger la collection Imaginaires. N'ayant pas de formation d'éditrice, j'ai accepté une codirection. Ce challenge m'enthousiasmait. J'ai énormément appris durant ces deux-trois ans de collaboration avec Glyphe, j'ai réuni une anthologie inspirée de ma réflexion sur Les Identités meurtrières, l'essai d'Amin Maalouf, mais avons pris de plein fouet la crise économique, et la collection en a fait les frais. Il faut dire que Glyphe publiait surtout des ouvrages sur la médecine, ou bien des romans écrits par des médecins, et que son réseau de diffusion-distribution n'était pas le plus adéquat pour une collection de SF.
À Terre de Brume, j'ai proposé une anthologie toute prête, car conçue pour un autre éditeur qui n'a pas pu la publier comme prévu, mais totalement dans sa ligne éditoriale : les légendes arthuriennes. Je ne connaissais pas Dominique Poisson avant cela, mais je connaissais bien ses livres et j'étais enthousiaste à l'idée de publier chez lui.
À l'inverse, je connaissais Xavier Dollo bien avant qu'il ait l'idée de fonder une maison d'édition, et c'est lui qui m'a demandé une anthologie (enfin, je crois, parce qu'il ne s'en souvient plus). J'avais justement plusieurs thèmes qui me trottaient dans la tête et on a choisi ensemble les contes de fées revisités. Il m'a ensuite laissé carte blanche.
Il y a aussi les éditions Oskar, chez qui j'ai publié une anthologie pour la jeunesse, Passages, sous la direction de Christine Féret-Fleury. Une rencontre et une collaboration très agréables.


2/ Qu'est-ce qui t'a fait devenir anthologiste ? Quelles étaient tes motivations ?

La maternité et la fanitude ;-)
Après la naissance de ma numéro 2, je me suis aperçue que je me mettais à choisir des lectures parlant de naissance et/ou d'enfantement (oui, il y a une différence : nous naissons tous, mais seul.e.s certain.e.s d'entre nous enfantent). Et petit à petit des questions se sont mises à me tourner dans la tête, du genre « oh, je me demande bien ce qu'écrirait Machin sur le thème », « Truc a écrit des choses passionnantes là-dessus et il a encore des choses à dire », etc., et petit à petit m'est venue l'envie de réunir ces auteurs que je fantasmais écrivant sur ce thème (certains l'avaient déjà fait) et de publier une véritable anthologie de nouvelles avec de la SF, du fantastique, de la fantasy, du noir ou de la blanche…


3/ Peux-tu nous parler de tes premières anthologies, chez Glyphe ? Comment as-tu ressenti ces premières expériences ?

Si je réponds que j'ai eu le sentiment d'enfanter, ça va faire cliché, hein ? ;-)
En fait, j'ai tellement galéré à trouver un éditeur – je ne remercierai jamais assez les auteurs qui m'ont fait confiance aussi longtemps ! – que lorsque j'ai appris que Glyphe acceptait l'antho, ça a été l'explosion de joie. J'étais à la Convention de SF de Bellaing, à ce moment-là, et certains des auteurs étaient présents, en particulier Jess Kaan qui regardait ses mails à deux mètres de moi et a eu l'info en même temps que moi, et Nathalie Dau.

La conception d'Identités s'est passée dans des conditions totalement opposées : pour la première fois, je partais avec un éditeur ! (Mieux : j'étais éditrice.) Le thème était encore plus foutraque, l'antho est encore plus contrastée : toutes les facettes de nos identités meurtries, meurtrières…


4/ Tu as également dirigé deux anthologies sur la légende arthurienne. Pourquoi deux anthologies ? Ce thème t'est-il particulièrement cher ?

Pourquoi deux ? Eh bien, il y en a eu d'abord une, et puis comme, en effet, le thème m'est en effet particulièrement cher – mais aussi que la première avait très bien marché et qu'elle est pile-poil dans la ligne éditoriale de Terre de Brume – j'en ai proposé une autre à Dominique Poisson qui l'a acceptée.
C'est un thème que j'avais déjà abordé, avec un dossier dans Faeries, et récemment Jérôme Vincent m'a demandé une postface pour l'antho Lancelot chez ActuSF. (En réalité, il m'a demandé une préface, mais j'ai préféré écrire une postface pour changer.)

Couverture de l'anthologie "Et d'Avalon à Camelot"


5/ Quel est exactement le rôle d'un anthologiste selon toi ?

Selon moi, il n'y a pas une seule façon de faire, mais autant que d'anthologistes, voire d'anthologies, voire de nouvelles publiées en anthologie ! Avec ma casquette d'auteur, j'ai travaillé avec des tas de directeurs d'ouvrages très différents les uns des autres, et très différents de moi. Je peux donc juste dire comment moi je fais.
Quand je reçois les textes, je les lis une première fois en annotant le fichier, mais sans chercher la petite bête afin de ne pas gâcher mon plaisir. Je trouve cette découverte du texte très importante, et il peut m'arriver d'attendre un moment avant de le lire, parce que je veux être vraiment disponible. Ensuite, je demande s'il y a lieu des corrections, je soumets les auteurs à la torture des allers-retours – et je me soumets moi-même à la torture des nombreuses relectures du même texte. Tout ça est très différent selon les textes ; certains ont à peine besoin d'un peaufinage, d'autres ont besoin d'être plus travaillés… Et certains auteurs n'aiment pas qu'on leur suggère des modifications alors que d'autres ont besoin d'être freinés, car ils seraient capables de réécrire l'entièreté de la nouvelle alors qu'on leur demande trois virgules !


6/ Comment s'effectue le choix du thème ?

Eh bien, je ne pars pas avec en tête « oh, j'ai envie de faire une antho, mais quel thème vais-je bien pouvoir prendre ? ». Au contraire, c'est lorsqu'un thème me tourne autour, que je me mets à le chercher dans mes lectures, que je fantasme dessus, qu'alors je me dis : « je veux faire une anthologie sur ça ! ».


7/ Et le choix des textes ?

Je commence par choisir les auteurs – j'ai très rarement publié en antho des soumissions spontanées – parce que je sais ou que je sens que ce thème est fait pour eux, ou du moins que j'ai envie de lire quelque chose de ces auteurs-là sur ce thème. Je leur demande un texte (je les couvre de fleurs et les menace des pires malédictions s'ils ne font pas ce dont j'ai envie) et ensuite, je ronge mon frein en attendant.

Une précision, tout de même : pourquoi est-ce que je publie peu de soumissions spontanées en antho ? Parce que je l'ai beaucoup fait avec les fanzines, les webzines, les revues… J'ai le plus profond respect pour les anthologistes ou les éditeurs qui proposent des AT, j'ai d'ailleurs moi-même envoyé des nouvelles à des AT, mais ça n'est pas ça que j'avais envie de vivre, jusqu'à présent.


8/ Comment conçois-tu l'ordre des textes ?

Le premier doit accrocher le lecteur, mais il peut ne pas plaire à tous (bien souvent, le seul lecteur qui aime tous les textes est l'anthologiste lui-même). La seconde place est l'une des plus périlleuses : c'est ce texte-là qui doit convaincre le lecteur de ne pas abandonner le livre. Enfin, la dernière nouvelle est importante, aussi, parce qu'elle donne la note finale, le sentiment sur lequel restera le lecteur.
Entre les deux, j'aime alterner les émotions, le rire et la peur, les textes longs et les textes brefs, les styles d'écriture ou encore les genres : SF vs fantasy ou fantastique. J'aime les anthos hétérogènes, contrastées. En tant que lectrice, si j'ai envie de lire à la suite plusieurs nouvelles proches les unes des autres, je privilégierai les recueils d'un seul et même auteur.

Couverture de l'anthologie "Contes de villes et de fusées"


9/ Aurais-tu une anecdote particulière à partager, concernant l'une de tes anthologies ?

Quelques-unes…

L'un des auteurs qui m'ont le plus soutenue lorsque je galérais à trouver un éditeur pour (Pro)Créations a refusé de signer le contrat avec Glyphe, parce que la rémunération était proportionnelle à la longueur du texte. Il faut dire que le sien faisait seulement 3 000 signes et que pour être intéressant il fallait l'accompagner de deux photographies (dans le domaine public), lesquelles m'ont fermé la porte de plusieurs éditeurs qui auraient éventuellement publié l'anthologie sans illustration d'aucune sorte.

Quand le recueil de Megan Lindholm/Robin Hobb, L'Héritage et autres nouvelles, est paru, je me suis bien évidemment jetée dessus. Et j'ai commis l'erreur de vouloir lire la traduction signée Arnaud Mousnier-Lompré1 de « La Dame d'argent et le Quadragénaire », que Lionel Davoust avait traduite pour De Brocéliande en Avalon. Que n'ai-je pas fait là ! Je me suis retrouvée les deux livres en main à comparer les deux versions ! À me demander ce qui convenait le mieux pour tel paragraphe, telle phrase… Quelle erreur ! Ne jamais comparer les versions françaises, surtout quand elles sont signées de deux excellents traducteurs comme Lionel et Arnaud ! Mais quelle leçon, aussi. La traduction littéraire est un passionnant mystère.

Dans Identités figurent des auteurs qui ont souhaité publier sous pseudonyme (autre que leur nom de plume habituel), parce que leurs textes s'inspiraient de leur vie, et qu'ils voulaient éviter de froisser des proches.

Pour Et d'Avalon à Camelot, j'ai oublié d'indiquer à Anne Fakhouri et à Nicolas Cluzeau que les histoires devaient se passer à notre époque ou dans l'avenir. Qu'importe ! Leurs nouvelles sont superbes – et cette contrainte qui servait de fil rouge à De Brocéliande en Avalon était une idée de l'éditeur qui n'a pas pu la publier. Je n'avais pas besoin de la conserver !


Note :

1. À qui j'avais envoyé une lettre de fan (une vraie, en papier chez l'éditeur, je n'avais pas le net !) après avoir lu L'Assassin royal, tant j'avais aimé son écriture.

Liens :

jeudi 2 avril 2015

Soutenez les Tremplins de l'Imaginaire en 2015 !

Il n'y a pas qu'au Nouvel An que l'on peut prendre des bonnes résolutions, le printemps fournit une très belle occasion aussi !
La rédaction du blog a donc décidé de vous convaincre de soutenir l'association loi 1901 Tremplins de l'Imaginaire. Promis, nous ne touchons aucun pourcentage !

Logo de l'association Tremplins de l'Imaginaire

Tremplins de l'Imaginaire, c'est quoi ?
Une association loi 1901, créée le 19 septembre 2010 par Syven, Roanne, Garulfo, Blackwatch et Chapardeuse.

Oui, mais encore ?
Elle a pour objectifs le soutien aux auteurs de la littérature francophone SFFF (science-fiction, fantastique, fantasy) et, par extension, la promotion de cette littérature.
Afin de réaliser ces objectifs, l'association dispose de plusieurs outils et plateformes :
  • Le site et le forum du projet CoCyclics : sous licence Creative Commons, il se base de la réciprocité, l'échange et l'entraide entre amoureux de l'imaginaire pour améliorer des textes en pratiquant la bêta-lecture.
  • Le thème en est la mare et les grenouilles : la mare pour la fraîcheur et les grenouilles pour leur variété réelle et leurs capacités magiques de métamorphose.
  • La gazette Tintama(r)re, votre blog adoré, qui parle des initiatives de l'association, de la vie du forum, des actualités SFFF, mais aussi interviewe des auteur·e·s et des anthologistes, partage des conseils d'écriture ou autres dispositifs d'aide existants.
  • La rediffusion d'informations liées à l'écriture et au milieu SFFF via les trois réseaux sociaux principaux : Facebook, Twitter et Google+.

Moui... les forums et les blogs, il y en a déjà plein le web.
Oh mais ce n'est pas tout !

Ah bon ?
Eh oui. Tremplins de l'Imaginaire a aussi lancé un guide des maisons d'édition SFFF, intitulé le GGG (Grimoire Galactique des Grenouilles), où l'on peut trouver entre autres un répertoire détaillé de plus de 90 éditeurs, avec leurs attentes concernant la soumission des manuscrits et des conseils de présentation.
L'association organise de plus une à deux fois par an des rencontres avec des professionnels de l'écriture ou de l'édition, dont les compte-rendus sont ensuite mis en ligne sur la gazette Tintama(r)re.

Donc si je soutiens Tremplins de l'Imaginaire, mon argent va servir à...?
À financer principalement :
  • L'hébergement informatique du site de l'association, de CoCyclics et son forum, ainsi que leur mise à jour ;
  • L'organisation des rencontres, ouvertes aux adhérent·e·s de l'association (par exemple, avec Yves Lavandier en 2014, Christophe Lambert en 2012) ;
  • L'organisation de la convention annuelle de CoCyclics, réservée aux membres du forum (par exemple, celle de 2014) ;
  • La création papier et numérique du GGG.

Comment faire ?
Il suffit de remplir le formulaire d'adhésion téléchargeable ici en PDF, la cotisation se paye par année civile (du 1er janvier au 31 décembre), et son montant pour 2015 est de 15 euros.
Vous pouvez payer votre cotisation par :
  • chèque à l'ordre de Tremplins de l'Imaginaire,
  • virement bancaire,
  • PayPal (vous recevrez alors une demande de paiement par e-mail).
L'adhésion n'est pas obligatoire pour devenir bêta-lecteur CoCyclics, ni pour poursuivre ses activités sur le forum ou s'y inscrire. Ce qui veut aussi dire que toute personne souhaitant nous soutenir peut adhérer, qu'elle soit inscrite ou non sur le forum, et assister aux rencontres Tremplins.


Alors, envie de soutenir Tremplins de l'Imaginaire ?


Liens :

mercredi 1 avril 2015

Prolongation des droits d'auteur pour les littératures de l'imaginaire : Une exception justifiée ?

Après une longue bataille juridique avec les ayant-droits de Bram Stoker, la Cour suprême du Royaume-Uni a reconnu Dracula comme étant le véritable auteur du roman éponyme. La question sur la durée du droit d'auteur est relancée par ce cas pour le moins atypique. En effet, les ayant-droits conservent les droits patrimoniaux pendant une durée de 70 ans après la mort du créateur de l'œuvre, mais qu'en est-il du cas où celui-ci est immortel ?

Portrait de Dracula

Cette affaire pourrait créer un précédent et ouvrir la voie à d'autres procès.
En effet, Galadriel a toujours clamé qu'elle était le véritable auteur du Seigneur des Anneaux, mais qu'elle avait dû se résoudre à utiliser un prête-nom. À l'époque, l'éditeur refusait qu'un nom féminin apparaisse sur la couverture d'un roman de fantasy...
Quant à Docteur Who, le célèbre Seigneur du Temps réclame de pouvoir bénéficier des droits sur la série et les produits dérivés même après chaque régénération, et ce quelle que soit l'époque dans laquelle il se trouve.

En plein débat sur le rapport Reda au sujet de la réforme européenne qui pourrait faire passer de 70 à 50 ans la durée d'exploitation des droits par les ayant-droits, cette nouvelle affaire relance les discussions.
La directive serait-elle obsolète avant même d'avoir été adoptée ?
Faut-il créer un droit d'exception pour les œuvres écrites par les C.L.E. (Créatures à Longévité Exceptionnelle) ?